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WISSA WASSEF RAMSÈS (1911-1974)

Architecte, fondateur d'un centre artisanal qui s'est illustré par la production de très remarquables tapisseries, l'Égyptien copte Ramsès Wissa Wassef a fait naître, par sa pédagogie passionnée et son sens de l'authenticité artistique, un art de la tapisserie profondément original.

Son père était une personnalité exceptionnelle. Avocat, ancien élève de l'école normale supérieure de Saint-Cloud, pénétré de culture française, épris d'art, mécène, il fut aussi un militant nationaliste, membre éminent du Wafd, compagnon et conseiller de Saad Zagloul, président de la Chambre des députés. Comme toutes les familles coptes, la famille Wissa Wassef entendait assumer passionnément l'héritage pharaonique : tel est le foyer où Ramsès Wissa Wassef naît le 9 novembre 1911.

Il manifeste des dons artistiques précoces. Adolescent, il veut être sculpteur, mais son père lui conseille l'architecture : il entre à l'École des beaux-arts de Paris en 1932. À son retour en 1936, il est nommé professeur puis directeur de la section d'architecture à l'école des Beaux-Arts du Caire. En 1942, chargé de construire une école dans un des quartiers les plus déshérités du Vieux-Caire, il a l'idée de faire tisser librement ces écoliers misérables. Le résultat, prodigieux, l'enthousiasme. Il poursuit l'expérience et, en 1952, la transporte à Haranieh, non loin des pyramides de Guizèh, dans une région où la population est fortement enracinée. Les tapisseries de Haranieh gagnent vite une grande célébrité. On les expose à Bâle, à Zurich, à Stockholm, à Amsterdam, à Munich, à Groningue, à Paris, à Lund, à Lausanne, à Londres, à Oslo, à Milan... Ramsès Wissa Wassef est mort subitement le 13 juillet 1974.

C'est d'une réflexion sur la stérilisation de l'artisanat de son pays qu'est née l'initiative de Ramsès Wissa Wassef. L'artisanat, qui, dans l'ancienne Égypte, ne se distingue pas de l'art, autrefois créateur, n'est plus que producteur. Le jeune architecte cherche à retrouver la sève créatrice. Il ne s'agit pas d'un simple retour à la tradition qui aboutit à des formes décadentes ou académiques, toujours stéréotypées. Il veut récupérer dans les traditions artisanales ce qui est récupérable et y greffer un élément neuf, l'esprit créateur de l'enfant qu'il met en possession d'une technique artisanale. Il lui laisse toute liberté, sans toutefois l'abandonner totalement à lui-même. C'est par cette démarche pédagogique délicate, dans cette maïeutique, que s'affirme le génie de Ramsès Wissa Wassef.

Les enfants qui viennent à lui ne possèdent aucune culture artistique. Ils créent leur tapisserie sans carton. À la limite du désert, au pied de la rive des Morts, jeunes gens et jeunes filles de Haranieh tissent ainsi d'inspiration de prodigieux bestiaires, une profusion d'arbres et de fleurs stylisés aux formes idéales qui ne doivent rien à l'imitation et tout à une décantation des sensations visuelles chez des êtres ingénument créateurs.

Que, dans sa volonté de régénérer l'artisanat en l'intégrant à l'art majeur de l'architecture, Ramsès Wissa Wassef ait été conduit, du fait qu'il avait commencé par là, à magnifier la tapisserie, fécondant cet art traditionnel par l'extraordinaire faculté d'invention plastique des enfants, ne doit pas faire oublier qu'il ne s'agit là que d'un élément de ses ambitions créatrices. Peut-être même a-t-il été partiellement dévoré par le succès.

« La source de la création architecturale, disait-il, réside dans les différents artisanats, aussi bien ceux qui sont étroitement liés à l'architecture que les autres. » Et c'est pourquoi Ramsès Wissa Wassef a fait construire les ateliers de sa communauté[...]

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Écrit par

  • : journaliste, ancien maître de conférences à l'université d'Alexandrie

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