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GIRARDET RAOUL (1917-2013)

Avec la mort de Raoul Girardet disparaît un des historiens les plus importants et les plus originaux de l’histoire politique française des années 1950-1990. En première approche, Raoul Girardet apparaît comme un remarquable professeur. Elève de Pierre Renouvin qui domine l’histoire contemporaine à la Sorbonne, il y est nommé assistant, puis maître-assistant et impressionne ses étudiants par sa vaste culture, l’élégance et l’apparente facilité de son propos et sa remarquable aptitude à faire saisir à son auditoire le cadre conceptuel, les références et les valeurs des hommes des siècles passés. Mais c’est à l’Institut d’études politiques de Paris, où le fait venir en 1955 le secrétaire général de la Fondation nationale des sciences politiques Jean Touchard et où il devient l’un des premiers enseignants permanents que Raoul Girardet donne toute sa mesure. Dans le séminaire qu’il assure avec René Rémond et Jean Touchard sont posées les fondations du renouveau d’une histoire politique qui intègre désormais les données sociales, intellectuelles et culturelles. Le cours annuel qu’il professe sur le mouvement des idées politiques dans la France contemporaine est plébiscité par les étudiants. Et Raoul Girardet fonde à Sciences Po un cycle supérieur d’histoire du xxe siècle, noyau d’une formation doctorale en histoire promise à un large développement.

Mais, au-delà de cette brillante carrière universitaire au déroulement assez classique, Raoul Girardet présente un autre visage, celle d’un homme profondément engagé dans les crises de son époque. Né le 16 octobre 1917 dans une famille de militaires, songeant à embrasser lui-même la carrière des armes, il épouse dès sa jeunesse la cause nationaliste. La crise des années 1930 est l’occasion pour le jeune lycéen d’adhérer à l’Action française, qui le séduit autant par son rejet radical d’un système politique qu’il juge impuissant et qu’il accuse de mener la France au déclin que par la rigueur doctrinale des idées maurrassiennes. Raoul Girardet sera camelot du roi, n’hésitant pas à faire le coup de poing dans la rue, à mi-chemin du chahut étudiant et de l’action directe contre le régime. Il est mobilisé en 1939, brûlant de combattre pour la patrie ; la défaite, qu’il subit sans avoir eu l’occasion de faire ses preuves, le remplit donc d’une rage impuissante. Prenant ses distances avec Charles Maurras qui s’accommode d’une situation ayant conduit à la mort de la République, il s’engage dans la Résistance. Il y minimisera toujours son rôle, estimant n’avoir été qu’une simple « boîte aux lettres ». Cette activité clandestine lui vaut cependant une arrestation par la Gestapo au début de 1944, un interrogatoire musclé, un long séjour en prison, puis au camp de Compiègne. Il fait partie en juillet 1944 du dernier convoi pour Buchenwald qui sera arrêté à Péronne par la débâcle allemande.

Pour autant, les lendemains de la Libération ne comblent pas les aspirations du jeune nationaliste. Il s’irrite de la glorification de la résistance comme des rigueurs de l’épuration. Et il retrouve dans la IVe République naissante tous les griefs qu’il adressait à la IIIe République. Aussi sa sympathie va-t-elle aux jeunes écrivains de droite, les « hussards » (Jacques Laurent, Antoine Blondin, Michel Déon, Roger Nimier…) qui, répudiant la prépondérance sartrienne dans le monde intellectuel, se réclament d’un étrange « apolitisme » d’inspiration maurrassienne. La défaite en Indochine, les débuts de la guerre d’Algérie ramènent Raoul Girardet à la politique, d’abord par des articles dans l’hebdomadaire néo-maurrassien La Nation française, puis dans l’entourage du sénateur Michel Debré qui ne dissimule guère son objectif de renversement du « système » pour ramener au pouvoir le général de Gaulle. L’éternel opposant[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités à l'Institut d'études politiques de Paris

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