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UBAC RAOUL (1910-1985)

Au cours d'une conversation avec son ami Jean Bazaine, Raoul Ubac aurait dit : « Mon vieux, le jour où tu laisses passer ta photo dans un journal, quelque chose d'impur s'est installé en toi, définitivement. » Cet artiste au regard transparent, dont le visage auréolé de cheveux blancs rayonnait de bonté, exprimait ainsi l'essence même de sa quête artistique et de sa personnalité : ignorant les concessions aux modes du moment, en artisan patient et exigeant, Ubac a porté témoignage, tout au long d'une vie discrète, de la valeur morale du travail de l'artiste.

Issu d'une famille bourgeoise à la double origine allemande et belge, Raoul (ou Rolph) Ubac est né en 1910 à Malmédy, petite ville des Ardennes belges, à la limite de la zone francophone, dans une région de forêts et de rivières encaissées, dominées par les grands plateaux des Fagnes. Son enfance est marquée par cette double appartenance linguistique et géographique (la lumière, l'ombre). Jeune homme, son goût de la solitude et de la marche le pousse à explorer une grande partie de l'Europe ; en Dalmatie, frappé par les chaos rocheux de la côte, il s'exerce à des photos d'assemblages de pierres.

En 1928, lors d'un court séjour à Paris, il fait la connaissance du peintre constructiviste Otto Freundlich ; cette amitié aurait pu faire basculer son destin d'artiste, mais la leçon de ce courant de peinture portera ses fruits beaucoup plus tard, et c'est vers le surréalisme qu'il se tourne d'abord : le principe de libération des forces obscures que ce mouvement prônait lui paraît alors proche de sa propre démarche. Il participera à toutes les activités du groupe, et c'est dans la revue Minotaure qu'il fait paraître ses premiers travaux d'artiste : il explore toutes les possibilités de la photographie à travers divers procédés (solarisation, inversion, superposition, brûlage du négatif, etc.) visant à la disparition du sujet et à son absorption dans les fonds. Son œuvre photographique reste encore méconnue (exposition de trente-deux photographies, en 1995, à la galerie Bouquet et Lebon à Paris).

Pendant la guerre, Ubac s'éloigne du surréalisme et de sa recherche de l'insolite, jugée hors de circonstances. En 1946, il en prend définitivement congé en publiant, dans la revue Troisième Convoi, « La Beauté aveugle », qui répond en quelque sorte à la « Beauté convulsive » de Breton. Renonçant à la photographie qui, dit-il, « bute sur quelque chose d'impossible à transcender », il se met à peindre (des gouaches d'abord), et découvre par hasard les possibilités de l'ardoise, matériau rude, induisant « l'un des premiers gestes de l'homme, graver ». Cette rencontre fait véritablement naître Ubac à son art. Désormais son œuvre s'ordonne autour d'un dialogue entre ses peintures traitées comme des bas-reliefs (Ubac utilise un mortier de poudre d'ardoise mêlée à des résines synthétiques qu'il grave et ponce comme un matériau dur) et ses sculptures d'ardoise. Il expose plusieurs fois à l'étranger (en Allemagne et aux États-Unis) et bénéficie, en 1968, d'une rétrospective au Musée national d'art moderne de Paris ; la galerie Maeght le représentait en France depuis 1950 et a réalisé l'édition d'une monographie (1970) et de plusieurs catalogues.

Ubac a également bénéficié de plusieurs-commandes officielles qui lui ont permis de montrer la diversité de son talent : l'art mural (bas-relief pour la nouvelle buvette d'Évian, 1957, par exemple), vitraux (église d'Esy-sur-Eure, 1958-1959, etc.), tapisserie (faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry, 1974, etc.), mosaïque (nouvelle école de Saint-Cyr, 1958, etc.).

Il fut enfin un dessinateur et un graveur hors de pair, comme en témoignent[...]

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Écrit par

  • : docteur de troisième cycle d'histoire de l'art, journaliste, critique d'art

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