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WALSH RAOUL (1887-1980)

« Le monde lui appartient »

Ce qui fait le lien entre tous les films de Walsh, c'est son goût pour un certain type de personnages aventureux, pour des hommes qui partent à la conquête du monde. Tous ses héros sont des gagneurs, qu'il s'agisse de Jim Corbett ( Errol Flynn), qui devient champion du monde de boxe (Gentleman Jim), du fondateur d'un ranch, dans Silver River (Errol Flynn), du capitaine Jonathan Clark (The World in His Arms), parti à la conquête de l'Alaska et d'une belle comtesse russe, du chef de gang névrosé de White Heat (Cagney). Les westerns et les films d'aventure de Walsh ont souvent une fin heureuse : les derniers plans de The World in His Arms montrent Gregory Peck enlaçant sa comtesse russe à la barre de son navire, tandis que son second commente : « Laissez-le tranquille, le monde lui appartient. » À l'inverse, ses films noirs révèlent l'aspect négatif de cette conquête du monde : à la fin de High Sierra, le gangster (Bogart) est traqué dans la montagne et abattu par la police ; dans White Heat, Cagney lance un défi au monde, du haut d'un derrick, avant de se suicider en faisant sauter le puits de pétrole. Pour Walsh, la conquête du monde obéit à certaines règles, qui ne sont pas tant celles de la bienséance sociale (Errol Flynn est, dans Silver River, très grossier avec Ann Sheridan) que celles de l'honnêteté et de l'estime personnelle (pensons à la scène de Gentleman Jim dans laquelle l'ex-champion du monde, qui a cédé son titre à Flynn, vient chez lui le féliciter, ou aux rapports de Gregory Peck et du pirate – Anthony Quinn – dans The World in His Arms). On verra plus tard apparaître chez Walsh des hommes d'action désabusés, qui agissent tout en s'interrogeant sur l'utilité de leurs actes : dans Objective Burma, Errol Flynn est un héros qui ne croit pas à la guerre, un chef qui compte ses morts ; traqué par son passé, Mitchum est prêt à se laisser abattre (Pursued) ; Clark Gable, dans Band of Angels, assiste sans amertume et sans résistance à l'effondrement d'une civilisation – celle du Sud – au sein de laquelle il avait prospéré.

Walsh a pour ses héros un grand respect, et ils n'ont jamais rien de méprisable. Grâce à une exceptionnelle direction d'acteurs – Walsh tenait à jouer lui-même chaque scène devant eux –, il a donné vie à des personnages présents et crédibles. Walsh croyait en eux et en leurs aventures. Comme aujourd'hui Cimino ou Coppola, c'est un cinéaste qui filmait « au premier degré », et c'est pourquoi son plus mauvais film est probablement The Sheriff of Fractured-Jaw, western parodique dans lequel les personnages ne sont pas crédibles et se trouvent réduits à l'état de caricatures.

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, agrégé de lettres modernes, éditeur

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