RAPATRIÉS
Accueil et réinstallation
Les mesures immédiates
Il fallut dans tous les pays prendre des dispositions immédiates pour adapter une législation permettant d'accueillir les rapatriés et de les aider à s'insérer dans leur nouvelle société.
En Italie, le gouvernement fasciste avait pris, en 1942, des mesures pour aider les colons chassés de Libye. Dans l'immédiat après-guerre, l'espoir de retrouver les colonies, les nombreux retours volontaires, plus ou moins clandestins, firent différer la mise en place en Libye d'une législation d'aide que réclamaient avec force les réfugiés d'Afrique. Les congrès de réfugiés (Rome, févr. 1946 ; Bari, sept. 1947 ; Turin, déc. 1947) dénoncèrent « les conditions misérables où vivent 180 000 à 200 000 réfugiés dans notre pays » (sept. 1948), « les 150 000 rapatriés demeurant encore disséminés dans des camps d'assistance » (nov. 1948). Les mesures d'aide coûtèrent, entre 1947 et 1949, environ quatre milliards de lires par an et le gouvernement s'efforça de négocier le retour du plus grand nombre en Afrique. Les rapatriés, quant à eux, ne cessaient de dénoncer « le million de réfugiés en état de phtisie ».
En France, le problème se posa avec acuité lors de l'arrivée massive des « pieds-noirs ». On créa un secrétariat d'État, puis un ministère aux Rapatriés. Les mesures d'aide immédiate atteignirent pour la seule année 1961 un milliard et demi de francs. La loi de décembre 1961 fixa le principe de l' assistance aux Français forcés de quitter les territoires d'outre-mer. Elle s'appliqua à ceux qui vivaient avant cette date en Tunisie, au Maroc, en Afrique noire, en Indonésie, en Égypte et en Algérie. Il s'agissait – comme dans les autres pays – d'aide de survie et de réinsertion mais avec le refus d'accorder, dans l'immédiat, toute aide d'indemnisation pour les biens abandonnés ou nationalisés.
Le gouvernement britannique, toujours pragmatique, prit des mesures spécifiques pour chaque lot de rapatriés. Un bureau spécial en 1947 fut chargé des anciens fonctionnaires et militaires de l'Inde ; en 1955 fut ouvert le Sudan Service Reemployment auprès du Foreign Office pour s'occuper des Anglais frappés par la « soudanisation » des services administratifs : en juin 1956, on crée le Pool of Overseas Civil Servants amené à faire face aux retours potentiels de 6 000 fonctionnaires anglais et de leurs familles touchés par l'accession à l'indépendance des colonies britanniques ; en février 1957 fut créé l'Anglo-Egyptian Resettlement Board pour aider les 8 000 réfugiés britanniques expulsés d'Égypte, etc.
La situation la plus grave fut celle du Portugal, pays pauvre, de constante émigration, traversant une grave crise économique, sociale et politique. L'Institut d'appui aux rapatriés nationaux (I.A.R.N.), créé en hâte, ne put que parer au plus pressé. Les retornados ne reçurent qu'une aide limitée dans le temps et un accueil dans des hôtels réquisitionnés. On prolongera l'opération en utilisant des bâtiments administratifs désaffectés et des casernes. En six mois, du 1er novembre 1975 au 30 juin 1976, le gouvernement dépensa plus d'un milliard de francs en seuls frais d'hébergement et d'aide immédiate. En Espagne, le gouvernement aida, à compter du 16 juillet 1962, les rapatriés du Maroc en leur fournissant une petite somme de retour et des prêts de réinstallation à faible intérêt, mais de montant très limité. La majeure partie des rapatriés rejoignirent directement la métropole dont ils dépendaient et, le plus souvent, s'y installèrent. Un certain nombre, toutefois, sans aucune attache d'origine en Europe ou ayant un sentiment d'amertume envers l'ancienne puissance tutélaire émigrèrent en Amérique ou en [...]
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Écrit par
- Jean-Louis MIÈGE : professeur émérite d'histoire à l'université de Provence
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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