GIEC (6e RAPPORT D'ÉVALUATION DU)
Quelles solutions pour éviter le pire ?
Puisque les sociétés humaines sont encore très fortement dépendantes des combustibles fossiles, le climat continuera de se réchauffer au cours des vingt prochaines années. Il faut donc s’adapter à ce réchauffement croissant. Parallèlement, nous devons impérativement réduire nos émissions de GES jusqu’à atteindre le « zéro émission net » (équilibre entre l’émission et le stockage de carbone) pour stabiliser cette température moyenne de la Terre. Limiter le réchauffement assurera l’efficacité des mesures d’adaptation et évitera de dépasser certaines limites au-delà desquelles l’adaptation n’est plus possible. Par exemple, lorsque de petites îles deviendront inhabitables en raison de l’élévation du niveau de la mer et du manque d’eau douce, les habitants n’auront d’autre choix que d’abandonner leur maison, sans retour en arrière possible.
Ce sixième exercice du GIEC reconnaît, pour la première fois, l’interdépendance entre le climat, la nature et sa biodiversité, les sociétés humaines et leur santé. Si l’un d’eux est modifié, les deux autres le seront aussi. C’est notamment pour cela que la surconsommation, l’urbanisation rapide, la dégradation des terres, la perte de biodiversité, la pauvreté et l’inégalité… rendent l’humanité encore plus sensible au changement climatique. Toute solution pour s’adapter doit donc aussi être évaluée au regard de ses impacts sur la biodiversité et sur les sociétés humaines, pour éviter des conséquences imprévues ou des effets secondaires causant plus de tort que de bien – ce que l’on nomme « maladaptation ». On peut citer un exemple : pour lutter contre la montée du niveau des mers, certains pensent à construire des digues pour protéger les zones côtières. Leur construction peut détruire les écosystèmes côtiers tels que les récifs coralliens, avec des conséquences sur les activités de pêche. À plus long terme, l’illusion d’être protégé va favoriser l’installation de plus d’habitats le long de ces côtes, et entraîner des dégâts importants lorsque cette digue sera détruite par la poursuite inexorable de la montée du niveau marin et l’augmentation en intensité et fréquence des tempêtes marines. A contrario, résoudre la crise de la biodiversité réduira les risques climatiques et facilitera l’adaptation. C’est pour cela que la transition encouragée vers l’agroécologie rendra notre agriculture plus résiliente à de nombreux effets négatifs du changement climatique, stabilisant la production et le revenu des agriculteurs lors d’événements météorologiques extrêmes.
Les risques posés par les changements climatiques sont très variables d’un endroit à l’autre, d’une population à l’autre – les solutions d’adaptation le sont donc également. La pauvreté et les inégalités entraînent des limites importantes à cette adaptation.
Près de 170 pays et de nombreuses villes ont désormais inclus l’adaptation dans leurs politiques climatiques et leurs processus de planification. Des projets pilotes et des expériences locales sont mis en œuvre dans différents secteurs. Les scientifiques considèrent que la plupart de ces changements sont très insuffisants au regard des besoins. Ils estiment que le monde est sous-préparé aux impacts des changements climatiques à venir. Ils soulignent également que réussir à s’adapter, c’est faire travailler ensemble un panel diversifié d’acteurs (décideurs politiques, membres du gouvernement, de la société civile et du secteur privé). Il faut cependant avoir en tête qu’il y a des limites à l’adaptation : si elle peut limiter le risque, elle ne peut en général pas l’annuler, et cet écart entre possibilité d’adaptation et risque zéro s’accroît avec le niveau de réchauffement – certaines solutions (notamment celles reposant sur la nature) devenant inopérantes au-delà d’un[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Nathalie de NOBLET-DUCOUDRÉ : directrice de recherche au laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LCSE), Gif-sur-Yvette
- Sophie SZOPA : directrice de recherche au Commissariat à l'énergie atomique (CEA)
Classification
Médias