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RATIONALITÉ ÉCONOMIQUE

La recherche des rationalités collectives

Parallèlement au travail de clarification des concepts et d'interrogation sur le statut épistémologique de la rationalité, se poursuit la recherche des méthodes destinées à assurer la rationalité des décisions collectives. Dès que l'on dépasse le niveau de la micro-unité, dont les finalités sont assez simples, et traduisibles par exemple en une fonction à maximiser sous contraintes, on aborde la sphère des « macrodécisions » (F. Perroux) et les fondements des choix sont loin d'être aussi clairs. Une planification repose sur un ensemble de décisions obéissant à une logique complexe. Le domaine des calculs collectifs ne cesse d'ailleurs de s'accroître : il englobe les choix budgétaires, la santé, l'éducation, la sécurité des personnes. Ces choix collectifs impliquent la mise en œuvre de techniques nouvelles comme l'analyse des coûts par rapport aux avantages, le P.P.B.S. (Planning Programming Budgeting System), la R.C.B. (rationalisation des choix budgétaires) en France, les diverses formes d'analyse multicritères à travers lesquelles cherche à se définir une science de la décision.

À défaut d'analyser ici ces différentes méthodes, dont l'ensemble constitue le champ même des pratiques économiques contemporaines, on se contentera de signaler, d'après Y. Barel, quelques-unes de leurs caractéristiques.

En premier lieu, la rationalité sociale est intéressée autant par la cohérence des décisions à prendre que par leur efficacité, au sens étroit du terme. Les calculs d'efficacité gardent leur sens s'il y a un degré d'homogénéité suffisant entre les coûts et les rendements, s'il existe entre la décision et ses conséquences une relation suffisamment étroite, si le choix entre effectuer ou ne pas effectuer une intervention reste réellement ouvert. Mais les calculs doivent être replacés dans une stratégie fondée avant tout sur la cohérence d'une série d'objectifs, tenant compte de l'incertitude et s'efforçant de dégager, plutôt que des « points » uniques, des « fourchettes » dans l'intervalle desquelles les décisions seraient rationnelles. Cette stratégie doit inclure des décisions sur les fins, car il vient un moment, en remontant la chaîne des objectifs qui constituent des moyens pour d'autres fins d'un niveau plus élevé, où, comme l'écrit Y. Barel, « nous nous trouvons devant un jeu d'objectifs dont la justification réside en eux-mêmes ». L'efficacité n'est donc pas fondamentalement distincte de la cohérence ; l'auteur précise qu'elle est l'une des formes sous lesquelles « se manifeste l'insertion cohérente d'un élément dans un ensemble ».

En second lieu, les décisions sociales sont prises en fonction de motivations diverses, économiques, politiques, psychologiques, c'est-à-dire en fonction d'une série de rationalités. Dans une telle situation, l'attitude de l'économiste consiste souvent à traiter la rationalité économique comme un moyen au service d'une fin qui lui est extérieure et dont il se déclare incapable d'apprécier le bien-fondé. Mais en fait toutes les rationalités qui sont prises en compte dans une décision sociale sont à la fois les fins et les moyens de la fonction de préférence.

En ce sens, les fins non économiques ont un coût, qui, lui, est économique, et inversement, pour parvenir à des résultats économiques, il est parfois nécessaire de mettre en œuvre des moyens politiques : c'est le cas des révolutions, des réformes agraires. Il est donc nécessaire d'effectuer, si l'on comprend bien Barel, un travail d'évaluation des rationalités les unes dans les autres. Cependant la rationalité dominante reste économique. Sur ce terrain, la rationalité collective se différenciera fortement[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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