SHANKAR RAVI (1920-2012)
Un musicien universel
Ravi Shankar joue des musiques hindoustanies (du nord de l'Inde) tout en étant influencé par les musiques carnatiques (du sud de l'Inde). Les deux traditions reposent sur les mêmes bases ; la bifurcation a commencé au xiie siècle, quand, au nord, l'hindī a remplacé le sanskrit.
Si les musiques du sud sont plus austères, plus fidèles aux anciens répertoires et plus structurées, c'est qu'elles s'appuient sur la composition davantage que sur l'improvisation. Comme le soulignait Ravi Shankar, « dans le nord, les musiciens dépendent d'abord des maharadjahs. Pendant des siècles, ces princes ont développé la musique de façon isolée, chacun sur son territoire, selon le système des gharānā (écoles) qui cultivent les styles différents ». Les artistes n'avaient alors plus tellement l'occasion de s'écouter les uns les autres, les évolutions ont donc divergé, surtout dans le cas des musiques instrumentales, qui, dans le nord, s'appuient de moins en moins sur le chant.
Pourtant, les rāga du nord et du sud portent souvent les mêmes noms. Qu'est-ce qu'un rāga ? Ni une gamme, ni un mode, ni une clé, ni une mélodie, ni un chant, et pourtant c'est un peu de tout cela. Comme le précisait Ravi Shankar, « chaque rāga a un motif, un leitmotiv. C'est comme un visage, grâce à ses traits, on peut le reconnaître immédiatement ». Il faut aussi qu'un rāga ait un rasa, c'est-à-dire une humeur, un état d'âme particulier. Les uns sont dignes, les autres érotiques, romantiques, héroïques ; l'artiste est libre de donner sa couleur en usant du micro-intervalle, du glissando, etc. « Il n'y a que le gourou qui puisse enseigner cela, ajoutait Ravi Shankar. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut fixer par écrit, on ne peut pas non plus le jouer sur un instrument à clavier ou à touches. C'est comme quelque chose de mort à quoi on insuffle une respiration (le prāna) qui donne vie au rāga. »
Magnifique compositeur aux improvisations tour à tour langoureuses ou volubiles, Ravi Shankar a, tout au long de sa vie, côtoyé des êtres d'exception, comme Rabīndranāth Tagore. En 1998, Ravi Shankar a reçu – avec Ray Charles – le Polar Music Prize, une des plus hautes distinctions dans le domaine de la musique.
Certes, les expérimentations métisses du maître du sitār ne furent pas toujours des réussites, qu'il s'associe à des virtuoses du classique ou à des vedettes de la pop music. Mais elles témoignent de l'esprit d'ouverture de ce champion des savoirs ancestraux, sacré « parrain de la world music » par George Harrison, alors que Yehudi Menuhin le considérait comme un des trois plus grands musiciens qu'il ait rencontrés (avec Enesco et Bartók).
En y associant d'autres musiques, Ravi Shankar a suscité, dans les publics les plus divers, un engouement sans précédent pour l'art du rāga. Mais l'essentiel de son œuvre n'est pas là. Même les puristes de la tradition le reconnaissent : Ravi Shankar a su réinventer des répertoires peaufinés depuis des siècles et la musique de ce compositeur prolifique, prince des sitaristes, tend à l'universel.
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Écrit par
- Éliane AZOULAY
: journaliste à
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