RAWLINSON sir HENRY CRESWICKE (1810-1895)
Orientaliste anglais né à Chadlington, dans le comté d'Oxford. Creswicke est le nom de famille de la mère de Henry Rawlinson. À seize ans, il sert dans l'armée de la Compagnie des Indes. Il a la bonne fortune de faire le voyage de Bombay à bord du même bâtiment que sir John Malcom, diplomate et orientaliste de renom, dont l'influence ne cessera de le stimuler. Avec une étonnante rapidité, le jeune officier s'assure la maîtrise du perse, de l'arabe et de l'hindoustani. Ses dons de linguiste et de cavalier lui valent une grande popularité auprès des hommes du 1er Grenadiers de Bombay. À partir de 1833, il travaille pour le Service britannique des renseignements. De 1833 à 1839, il est en Perse, où il s'emploie à réorganiser l'armée du shāh. Parallèlement à son activité officielle, Rawlinson poursuit en Perse des travaux d'orientalisme. Dès 1835, il se met à copier l'inscription trilingue de Darius gravée sur le rocher de Béhistun ; vers la fin de l'année 1837, il était parvenu à en déchiffrer les deux premiers paragraphes sans rien connaître des tentatives de déchiffrement faites en Europe. Au début de 1839, il vient de rédiger la traduction de deux cents lignes du texte perse de Béhistun lorsque la guerre afghane l'arrache à ses travaux. Il est agent politique à Kandahar à partir d'octobre 1840. Il participe à la lutte contre les Afghans et, à la tête d'un corps de cavalerie perse, se distingue à la bataille livrée le 29 mai 1842 près de Kandahar. Il prend une part brillante à la défense de la ville, puis contribue à la prise de Ghazni avant de revenir en Inde. Le 5 mars 1844, il est nommé consul britannique à Bagdad. Reprenant alors son travail de déchiffrement avec un enthousiasme renouvelé, il consacre à la grande inscription la majeure partie des années 1844-1845 et en termine la copie en 1846 au prix de périlleuses prouesses physiques.
Le texte complet de l'inscription, avec traduction et notes, est publié à Londres par les soins de la Société royale asiatique. Le déchiffrement du perse achéménide ouvre la voie à celui de l'écriture susienne puis à celui de l'assyro-babylonien, et Rawlinson y prend lui-même une part importante ou prépondérante, comme on peut en juger par ses publications des années 1850-1853, et notamment, en 1851, celle du texte babylonien de l'inscription de Béhistun avec une table de 246 signes et la traduction de la première colonne.
L'exactitude du déchiffrement proposé sera confirmée par la traduction d'une inscription inédite de Tiglatpiléser Ier, que, sur l'invitation de la Société asiatique, Rawlinson procure de conserve avec J. Oppert, E. Hincks, H. Fox Talbot. La traduction concordante à laquelle les quatre savants, qui ont travaillé indépendamment les uns des autres, ont abouti est publiée par les soins de la Société en 1857.
Le déchiffrement des écritures cunéiformes ne peut se comparer, sous le rapport de l'importance, pour la philologie et l'histoire anciennes, qu'à celui de la pierre de Rosette. L'histoire de la grande découverte ne saurait sous-estimer l'apport de savants tels que Rasmus, Rask, Burnouf, Grotefend, Lassen, Hincks, Beer, Jacquet ou Norris. Elle accordera à Rawlinson le mérite d'une contribution fondamentale, sinon celui de la priorité absolue, qui justifie, à quelque égard, l'appellation de « père de l'assyriologie » que lui attribuent volontiers ses compatriotes.
Moins érudit et philologue qu'épigraphiste, Rawlinson avait le génie de tomber juste, selon les termes de J. Oppert. La sûreté et la hardiesse de son intuition dans le déchiffrement et l'interprétation d'une langue inconnue semblent n'avoir été surpassées par personne. Après son retour en Angleterre, il prépare pour le British Museum, avec la collaboration successive[...]
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Écrit par
- Valentin NIKIPROWETZKY : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Médias