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MOORE RAY (1906-1984)

Le nom de Ray Moore était peu parlant pour le public français. Celui du personnage qu'il a créé n'est en revanche ignoré de personne : il s'agit du « Fantôme du Bengale ».

Ray Moore avait débuté comme assistant de Phil Davis, le créateur de Mandrake le Magicien. Ce dernier avait pour scénariste le légendaire Lee Falk. C'est donc tout naturellement que Ray Moore, quand il en eut assez de seconder Davis pour réaliser les planches de Mandrake, demanda au même Falk de travailler avec lui. Le résultat fut, le 17 février 1936, le premier « strip » quotidien du Phantom. Les planches du dimanche ne débutèrent qu'en mai 1939, avec le même tandem. La guerre et la mobilisation qui s'ensuivit contraignirent Moore à passer une première fois la main, en 1942. Le médiocre Wilson Mc Coy le remplaça, mal. Une seconde fois, alors qu'il avait repris la série en main de 1945 à 1947, Moore, malade, dut s'arrêter. La série fut dessinée sans talent par Bill Lignante puis par Mc Coy, avant que le talentueux Sy Barry ne prenne le relais en 1962. Sans crainte d'erreur, on peut affirmer que le Fantôme du Bengale avait disparu avec la retraite de Moore.

Paru à l'origine dans le New York Journal, le Fantôme fut rapidement adopté par tous les journaux américains, puis dans le monde entier : plus de soixante nations l'ont traduit ! En France, il suivit le destin d'Opera Mundi, parut d'abord dans Aventures et Robinson ; on peut encore le lire dans L'Aurore. Typique des années 1930, cette bande dessinée, dont les jolies héroïnes firent fantasmer bien des adolescents d'avant guerre, bénéficiait d'un graphisme élégant et dynamique. Les scénarios de Falk alliaient l'aventure, le suspense et les grands thèmes de l'époque, qui n'étaient pas encore devenus des poncifs. Le Fantôme vit dans une caverne perdue dans la jungle du Bengale, au cœur des Bois profonds. Il règne sur une tribu de Pygmées assez féroces. Ce qui provoque la terreur de ses adversaires, c'est son immortalité supposée. Le Fantôme est vêtu d'un collant violet et d'un masque-cagoule, costume qui préfigure celui de tous les super-héros qui naîtront, après la guerre, de la nostalgie créée par ce personnage. Un loup, Satan, l'accompagne, et il rencontre vite Diana Palmer, celle qui sera sa compagne, sa « fiancée éternelle » comme l'exigent les conventions de la B.D. de l'époque. Elle seule connaît le secret du Fantôme : il n'est pas éternel, mais la « charge » se transmet de père en fils depuis quatre cents ans ! Il lui faudra assurer sa succession, et on peut donc penser qu'il va épouser Diana. Il faudra que les lecteurs attendent... 1977, et que la série ait périclité complètement pour que l'événement. Les ennemis du Fantôme sont les trafiquants, les pirates et les « méchants » les plus traditionnels de la B.D. Quand ils ne viennent pas à lui, il va les chercher, en Amérique et même en Europe.

Une bizarrerie de l'édition fait qu'en France son collant était rouge. Le cinéma s'est bien sûr emparé de ce classique de base de la bande dessinée : quinze épisodes d'un « sérial » furent tournés en 1943.

— Yves FRÉMION

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