CARTIER RAYMOND (1904-1975)
Né à Niort (Deux-Sèvres) dans une famille d'industriels, Raymond Cartier, après des études au collège de Bressuire, s'inscrit aux facultés de droit et de lettres à Paris. Licencié dans ces deux matières, il devient l'un des principaux collaborateurs d'Henri de Kérillis au centre de propagande des républicains nationaux, et milite vers 1928 au sein des Jeunesses patriotes. En 1929, il débute dans la carrière journalistique comme rédacteur parlementaire a L'Écho de Paris. Huit ans plus tard, en 1937, il est nommé rédacteur en chef de L'Époque. Malgré un antiparlementarisme foncier, il résiste alors aux tentations de l'hitlérisme. Lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale, il se retrouve à Lyon rédacteur en chef de l'hebdomadaire Sept Jours (1940-1943). Sa foi dans le pétainisme ne l'empêche pas de rester pendant toute cette période profondément antiallemand.
À la fin des hostilités, il se trouve officier de l'état-major du maréchal de Lattre en Allemagne. Il y demeurera pour assister au procès de Nuremberg (dont il tirera un ouvrage), avant d'entreprendre un voyage autour du monde. Son point d'attache est alors New York, où il est le correspondant permanent de l'hebdomadaire Samedi-Soir. En 1949, de retour en France, il fonde Paris-Match au côté de Jean Prouvost, et est nommé directeur de l'hebdomadaire. Pendant vingt-six ans, il exercera une influence incontestable par l'intermédiaire du journal, auquel il imprimera un style solide, suffisamment ouvert pour aborder les délicates questions de l'actualité.
À l'occasion de deux grands reportages effectués en Afrique en 1956 et 1964, c'est-à-dire avant et après l'indépendance des pays francophones, il affirmera dans deux séries d'articles que la France dilapide son argent en finançant dans le Tiers Monde des réalisations somptuaires et inutiles, alors que ces crédits auraient pu permettre à certaines régions françaises de sortir de leur sous-développement. Ces arguments allaient à l'encontre de la politique libérale du général de Gaulle en Afrique, battant en brèche l'humanisme traditionnel de la France à travers le monde ; certains, détracteurs ou pas, les résumeront par cette formule lapidaire : « La Corrèze avant le Zambèze. » En 1968, il devient l'un des trois directeurs généraux de Paris-Match, tout en gardant le titre de directeur-fondateur. La même année, la station radiophonique R.T.L. (Radio-Télé-Luxembourg), contrôlée elle aussi par le groupe Prouvost, lui demande une chronique quotidienne de politique étrangère. Grand spécialiste des problèmes américains, il se fera le fougueux défenseur de Nixon, même après l'abandon de celui-ci par ses amis.
Inventeur d'un style journalistique qui marqua sa génération, Raymond Cartier était un homme capable de refaire à lui seul, en une nuit, un numéro entier de l'hebdomadaire, de son écriture rapide qui donnait rythme, muscle et couleur à ses récits. Remarquable vulgarisateur, il donnait l'impression de pouvoir tout assimiler et tout raconter. Il a d'ailleurs été le premier en France à lancer la mode des petits détails réalistes qui donnent au lecteur l'illusion de pénétrer dans l'intimité des personnalités politiques.
Ce prophète bourgeois de la décolonisation était l'auteur de nombreux ouvrages politico-historiques dont : L'Europe à la conquête de l'Amérique, Les Secrets de la guerre, Les 19 Europes, Hitler et ses généraux, La Seconde Guerre mondiale, Histoire mondiale de l'après-guerre et À dix mille jours de l'an 2000. Il restera comme le créateur français d'une forme de journalisme efficace qui aura permis de donner à ses concitoyens une idée moins théorique et plus humaine des problèmes de politique extérieure.
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Écrit par
- Paul MORELLE : critique littéraire
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