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DEPARDON RAYMOND (1942- )

« La bonne distance »

Débarqué à Paris, un autre Depardon voit le jour. Un Depardon passionné par l'actualité et pour qui le métier de journaliste-photographe représente le seul moyen de promotion sociale pour un non-diplômé, ainsi qu'un moyen de côtoyer du beau monde et de parcourir la planète. Après avoir été assistant du photographe Gilles Foucherand, il intègre en 1960 Dalmas, une des agences phares de l'époque : « Je partais tous frais payés aux quatre coins du monde et je multipliais les couvertures de magazines. Je portais le costume-cravate et je fréquentais les vedettes. Pour moi, le rêve, à dix-huit ans, c'était photographier Bardot. » Ce qu'il fait, surprenant la star dans la neige de Megève. Il tire aussi le portrait de Marlon Brando ou réalise un reportage sur la construction du Mur de Berlin en 1961. Depardon devient vite le photographe phare de Dalmas. Mais il en voit vite les limites : « Je bossais comme un fou pour 1 500 francs par mois. On me pressait le citron. »

Pour mieux contrôler ses images et ses sujets, Raymond Depardon crée, en 1967, l'agence Gamma avec les photographes Hubert Henrotte, Hugues Vassal et Leonard de Raemy. Pour la première fois dans la photographie de presse, une structure est au service de ceux qui font les images, et non l'inverse. Gamma met en place le fameux système du 50-50, où le reporter et l'agence partagent les frais de reportages et les recettes de vente aux journaux. Magnum avait déjà responsabilisé les photographes, mais Gamma va appliquer le système à une agence de presse, avec pour ambition de « couvrir » tous les « points chauds » du monde. Le système Gamma est séduisant, il attire des reporters chevronnés, comme Gilles Caron, disparu au Cambodge en 1970. Il fera des petits, notamment avec Sygma, née d'une scission avec Gamma, et Sipa. Paris est ainsi devenue, dans les années 1970, la capitale mondiale du photojournalisme, elle l'est toujours, et Depardon est un des hommes clés de ce système. C'est à Gamma que Depardon réalisera un reportage de fond sur le Chili de Pinochet, qu'il rénovera la photographie de sport (jeux Olympiques de Mexico en 1968) et réussira un grand scoop du photojournalisme : retrouver, photographier et filmer l'ethnologue Françoise Claustre, prise en otage en 1974 par les rebelles toubou d'Hissène Habré dans le désert du Tibesti, au nord du Tchad. Quatorze minutes de son interview seront diffusées à la télévision, au journal de 20 heures. Mais c'est aussi à Gamma, juste après son arrivée, que Depardon réalise son premier film : Jan Palach (1969), un long plan-séquence sur la minute de silence en hommage au martyr tchèque, qui s'était immolé par le feu pour protester contre l'invasion de Prague par les chars russes. « Ce qui m'intéresse, c'est de montrer la douleur quotidienne ».

Souhaitant prendre du recul par rapport à l'actualité, et imposer son regard photographique, Raymond Depardon rejoint l'agence Magnum en 1978, agence prestigieuse fondée en 1947 par Henri Cartier-Bresson et Robert Capa. Il se rend au Liban puis en Afghanistan, deux pays en guerre. Il en sortira un petit livre, Notes, où il associe des images de guerre à des textes intimes, apparemment anodins et maladroits, mais très écrits et sincères, dans lesquels il dévoile ses problèmes sentimentaux. « J'ai publié ce livre pour démythifier l'image prestigieuse du photojournaliste, travaillant pour un grand magazine, les cartes de crédit plein les poches, et un sourire sur le visage. » Ce livre choquera une partie de la profession, mais il ouvre une brèche dans le « neutralisme » en cours. Raymond Depardon renouvellera ce mariage entre textes « privés » et images « publiques » dans une série de publications qui définissent un artiste de sa propre vie : [...]

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Écrit par

  • : journaliste au Monde
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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