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HAINS RAYMOND (1926-2005)

C’est un lieu commun d’affirmer que l’œuvre d’un artiste ne se clôt pas avec sa vie, un pléonasme de parler d’œuvre ouverte. À propos de Raymond Hains, on osera l’un et l’autre. Il était né le 9 novembre 1926, à « Saint-Brieuc-les-choux », comme il aimait à dire, à la suite de Jarry, et c’est là qu’a été présentée, en 2003, sa dernière exposition d’importance, centrée précisément sur les lieux de son origine.

En soixante ans de présence ininterrompue sur la scène artistique – d’abord française, bientôt internationale –, Hains, décédé à Paris le 28 octobre 2005, a donné l’image d’un touche-à-tout malicieux autant qu’insaisissable. On ne saurait le réduire à cet aperçu, non plus qu’à son appartenance au Nouveau Réalisme. L’œuvre de Raymond Hains, toute d’attitude, frappe par son unité. Et ce qui fonde cette homogénéité, c’est son exceptionnelle attention aux signes. S’il fut un « nouveau réaliste », bien avant sa rencontre avec Pierre Restany et longtemps après la dispersion du groupe que le critique avait réuni, en 1960, c’est précisément en cela que le réel, pour Hains, a toujours constitué un inépuisable réservoir de signes – que le réel, à ses yeux, n’a jamais cessé de faire signe. C’est à ce décryptage qu’il s’est adonné sa vie durant – cette vigilance de guetteur qu’il a instaurée, qui, forcément, lui survit.

Ses premières rencontres décisives seront, dès les années 1940, celles de son aîné le photographe Emmanuel Sougez (1889-1972) et de son exact contemporain Jacques Mahé de La Villeglé, qu’il rejoint aux Beaux-Arts de Rennes. S’intéressant à la photographie expérimentale, Hains met alors au point (si l’on peut dire) ces objectifs à verres cannelés, tant sur caméra que sur appareil photo, qui donneront lieu à des films abstraits ainsi qu’à des photographies « hypnagogiques » (apparentées à cet état qui précède ou suit le sommeil). À partir de 1949 à Paris, tantôt seul, tantôt en compagnie de Villeglé, Hains arrache des affiches lacérées qu’il emporte chez lui. Parfois aussi, il les photographie, se présentant volontiers comme un « Cartier-Brassaï », aussi prompt à déceler l'« instant décisif » qu’à prélever des signes proches des graffitis.

Les années 1950 sont celles des rencontres avec François Dufrêne et les lettristes, ou avec Pierre Restany qui, dès le premier Manifeste des Nouveaux Réalistes (1960), l’associe à ceux qu’il cherche à fédérer. C’est aussi l’époque des premières expositions marquantes, en particulier chez Colette Allendy, puis à la première biennale de Paris (1959), où Hains expose sa Palissade des emplacements réservés.

Peintre sans tubes, comme ses amis Villeglé, Dufrêne, Rotella ou Deschamps, Hains, au fond, s’est assez rapidement (pour ne pas dire dès le début) affranchi de l’objet. Cela fait sa singularité, et parmi les Nouveaux Réalistes, et par rapport à l’histoire du ready-made. Les affiches lacérées, comme les palissades, n’offrent que les traces tangibles d’une manière de regarder. Pour cette raison, Hains va bientôt privilégier photographie et langage. Cependant, malgré sa parfaite maîtrise technique, il n’est pas ce qu’on appelle un photographe. Quiconque regarde une de ses images doit se demander s’il ne se trouve pas dans la situation de l’imbécile qui, face au doigt lui montrant la lune, regarde le doigt.

La photographie, chez Hains, est de nature foncièrement langagière, procédant de rébus, jeux de mots, calembours et à-peu-près. Mais au-delà, elle est l’un des outils les plus aptes à rendre compte d’un continuum qui se superposerait, en en reliant les éléments, au chaos et à la dispersion du monde.

L’artiste toutefois n’est pas un illuminé, mais un poète de la cohérence. Ses rapprochements sont d’ordre historique, géographique[...]

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