QUENEAU RAYMOND (1903-1976)
Derrière des lunettes souriantes et une œuvre ouvertement bon enfant, Raymond Queneau apparaît comme un écrivain mystérieux : pas enveloppé, mais rempli de mystère. Au moment même où l'on croit saisir une intention, une propriété, une morale, c'est tout autre chose qui se présente, chaque fil tirant sur le précédent. On ne sait jamais par quel bout le saisir, ou, plutôt, ce qui va jaillir de la boîte que l'on s'apprête à ouvrir.
Autre paradoxe ou, tout au moins, autre curiosité : cet écrivain, qui a traversé le surréalisme, la littérature engagée et le nouveau roman sans daigner se plier à aucune de ces modes, n'est cependant jamais passé pour un plumitif rétrograde. Il est resté tout au long de sa vie, et restera longtemps encore, un auteur résolument moderne.
Ce refus de la mode et du sérieux qui l'accompagne toujours a toutefois longtemps fait prendre Raymond Queneau pour un plaisantin – on disait parfois, poliment, un « humoriste », mais cela ne valait guère mieux.
Pourtant, cette œuvre souriante et grave, conduite avec rigueur et obstination à travers d'assez grandes difficultés dans l'attente (puis sous le poids) d'un succès tardif, fait de Raymond Queneau un écrivain exemplaire.
« Je naquis au Havre un 21 février 1903... »
Né au Havre, où ses parents possédaient une boutique de confection et de mercerie, Raymond Queneau fréquente le lycée de la ville jusqu'à son baccalauréat. En 1920, il se rend à Paris pour préparer une licence de philosophie. En 1924, Pierre Naville le fait entrer au groupe surréaliste. D'octobre 1925 à février 1927, il effectue son service militaire dans les zouaves et participe, de ce fait, à la guerre du Rif. En 1928, il trouve du travail comme employé de banque et collabore aux activités de la rue du Château, où se réunissent les dissidents (Prévert, Duhamel, Tanguy) du groupe surréaliste. En 1929, il rompt avec André Breton pour des raisons uniquement personnelles (il évoquera cette période quelques années plus tard dans Odile). En 1932, il fait un voyage en Grèce, au cours duquel il commence à écrire Le Chiendent, roman qui paraît en 1933. Dès lors, la vie de Raymond Queneau s'efface derrière son œuvre. En voici les pulsations principales.
En 1937 paraît Chêne et chien, important recueil de poèmes. En 1938, Queneau entre au comité de lecture des éditions Gallimard. En 1945, il crée, avec Michel Gallimard, l'Encyclopédie de la Pléiade, qu'il dirigera pendant trente ans. En 1949, Yves Robert met en scène Exercices de style, et Juliette Gréco rend célèbre Si tu t'imagines. En 1951, Queneau est élu à l'Académie des Goncourt, et admis au Collège de Pataphysique. En 1953, il écrit les dialogues du film Monsieur Ripois, de René Clément. En 1959, paraît Zazie dans le métro, qui connaît un succès considérable et inattendu. En 1960, suite à la publication de Cent Mille Milliards de poèmes, il fonde, avec François Le Lionnais et quelques amis, l'Ouvroir de Littérature Potentielle (OuLiPo). En 1968, paraît Le Vol d'Icare, son dernier roman, puis, en 1973, Le Voyage en Grèce, recueil d'articles publiés, pendant les années trente, dans différentes revues. Son dernier livre, Morale élémentaire, paraît en 1975 : c'est un recueil de poèmes à la fabrication énigmatique. Raymond Queneau meurt, le 25 octobre 1976, à Neuilly-sur-Seine.
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Écrit par
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