REACH (Registration, Evaluation and Authorization of Chemicals)
Réévaluation des risques, réglementation et éducation
Évaluer les risques
Comment évaluer les risques attachés à une molécule ? Considérons seulement, pour simplifier, le risque pour la santé humaine. On peut supposer aussi, compte tenu des frais de l'opération, que, pour appliquer le règlement REACH, les industriels s'adresseront à des officines spécialisées, et que ces dernières suivront un cahier des charges préparé par l'Union européenne.
Un gros problème vient de ce que l'expérimentation sur l'être humain est légalement et moralement interdite. Certes, elle est pratiquée sur des volontaires, mais seulement lorsqu'il s'agit de médicaments. Ici, il s'agit de substances connues pour être toxiques, ou que l'on soupçonne de l'être. Il ne saurait donc en être question.
La procédure usuelle consiste à étudier une population d'animaux de laboratoires – souris, rats, lapins, cobayes, chats et chiens... ; rarement des primates, trop onéreux – soumis à des doses variables de composés chimiques. On mesure la DL50, c'est-à-dire la dose qui provoque la mort de la moitié de la population. On mesure aussi le seuil des effets observables sur la santé – numération sanguine altérée, atteintes hépatiques, convulsions, modifications diverses du comportement... –, ce qui permettra de définir le risque minimal.
Hélas ! l'étape clé, celle de l'extrapolation à l'être humain, n'a rien de scientifique. On appliquera à ces mesures un coefficient d'incertitude, une diminution d'un ou plusieurs ordres de grandeur (fudge factor en anglais), qui n'est rien d'autre que l'expression de notre ignorance. En règle générale, un être humain adulte s'avère bien plus résistant que de telles données ne le laissent croire. En outre, d'importantes variations dans la résistance peuvent être dues à l'âge (les bébés sont beaucoup plus vulnérables que les adultes), au sexe, à l'état de santé, à des facteurs personnels (génétiques) et environnementaux.
Cependant, la réglementation se durcit progressivement, ce qu'on ne peut qu'approuver. Prenons l'exemple des taux de benzène autorisés sur les lieux de travail. Cet hydrocarbure, extrêmement toxique, est la cause d'anémies aplasiques. La réglementation américaine tolérait 100 ppm en 1946, 50 ppm en 1947, 35 ppm en 1948, et 25 ppm en 1957, sur les lieux de travail. En 1977, le ministère du Travail des États-Unis s'efforça de la faire passer à 1 ppm seulement (ce qui équivaut à moins de 200 mg dans une salle de grandes dimensions), mais cette initiative fut contrée par un groupe de pression animé par l'American Petroleum Institute.
Dans ces conditions, il paraît éminemment regrettable que le règlement REACH laisse le soin aux entreprises productrices d'obtenir de telles données. Il serait plus sain que l'agence d'Helsinki créée à cette occasion ait la responsabilité directe de ces études, dans un souci au moins de cohérence et d'uniformité. Comment ne pas redouter, par ailleurs, qu'un fabricant fasse attendre des années durant ses résultats, multipliant les promesses tandis qu'une substance dangereuse continuerait d'être utilisée sans garde-fous adéquats ?
Une autre considération, sans doute plus importante, est l'aspect paradoxal du risque : un produit à haut risque, connu pour l'être, est moins dangereux qu'un produit à faible risque, qu'on a tendance à négliger – aucun danger majeur à court terme, mais une véritable incertitude à plus ou moins long terme.
Quelques questions
Beaucoup de questions sont ainsi ouvertes à propos de REACH. La première est celle du choix, tant des composés à répertorier que de ceux qui seront proposés à l'interdiction pure et simple. Puisque plusieurs dizaines[...]
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Écrit par
- Pierre LASZLO : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)
Classification
Médias
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