RÉACTION ARISTOCRATIQUE
Nom qui désigne la réaction des privilégiés au cours du xviiie siècle contre l'ordre politique et social établi par Louis XIV. La réaction aristocratique comprend une réaction proprement nobiliaire, venue de ceux qu'on appelle des gentilshommes, une autre du clergé et, enfin, celle des parlementaires et de la noblesse de robe en général.
Chacun de ces groupes veut conserver ou rétablir ce qu'il considère comme des droits et privilèges attachés à sa naissance ou à sa fonction. La gentilhommerie écartée par le Roi-Soleil des responsabilités dans l'État, cherche à reprendre le pouvoir (polysynodie) et à rentabiliser ses terres puisque la loi de dérogeance lui interdit dans la plupart des cas une activité économique ; le clergé, lui aussi, veut jouer un rôle actif et surtout garder son indépendance (très entamée au xviie s.) à la fois institutionnelle et financière, en particulier le privilège exorbitant du don gratuit ; la robe, enfin, essentiellement les cours souveraines, s'estime elle aussi dépossédée par Louis XIV de ses prérogatives qu'elle cherche, non seulement à reprendre, mais à développer par des théories telles que celles de l'origine franque du parlement lui assurant une représentation nationale. Les trois groupes ont en commun un intérêt majeur : le maintien du plus exécré de leurs privilèges, l'exonération de l'impôt, et cette lutte les conduit à saper les fondements mêmes du trône qui les entraînera dans sa chute. Louis XV et Louis XVI luttent avec plus ou moins de succès contre ces privilégiés tout au long de leur règne, mais ils n'ont ni l'énergie ni l'habileté nécessaires pour en venir à bout, d'autant plus que la nation, abusée par les discours des parlementaires et les démonstrations des théoriciens, prend souvent le parti des privilégiés. La réaction aristocratique se traduit par un certain nombre d'accaparements.
Dans l'armée, la vénalité des grades permet aux roturiers d'occuper des charges : peu à peu, ils en sont éliminés. L'instruction du maréchal de Belle-Isle, en 1758, ordonne d'accorder la préférence aux nobles. La vénalité est supprimée dans l'infanterie en 1763 ; l'interdiction du recrutement des roturiers à l'École militaire en 1751, à l'École d'artillerie en 1761, aux écoles du génie en 1776, est liée à l'interdiction faite aux roturiers d'accéder à la garde de la maison du roi en 1758, au grade de sous-lieutenant en 1775. Pour entrer dans l'armée sans passer par le rang, il convient de justifier de quatre quartiers de noblesse en 1781 ; cette obligation de passer par le rang déplaît aux riches bourgeois. Dans la marine, la noblesse se réserve le Grand Corps, laissant aux roturiers les fonctions administratives. Dans l'Église, où le roi nomme les ecclésiastiques en vertu du Concordat, il n'y a plus un seul évêque roturier en 1789. Dans les parlements et les cours souveraines, malgré la vénalité, les roturiers sont écartés. Dans le Conseil du roi, la noblesse est présente ; sous Louis XVI, la plupart des intendants ont leur quatre quartiers de noblesse, les ministres (sauf Necker) sont des nobles d'épée. Prélats et nobles dominent dans les états provinciaux et les villes sont représentées par des anoblis. Le « règne de la vile bourgeoisie » est bien fini.
Pour augmenter ses ressources, la noblesse s'efforce de tirer un meilleur parti des droits seigneuriaux et des terres qu'elle possède. Les redevances sont exigées strictement, les droits tombés en désuétude sont remis en vigueur, les feudistes refont les terriers où sont consignés les droits et revenus du seigneur, ils arpentent soigneusement, toujours au profit du seigneur. Les progrès agricoles, d'après les physiocrates, sont entravés par la vaine[...]
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Écrit par
- Louis TRENARD : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lille
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