RÉACTION, chimie
Mécanisme réactionnel
Se poser la question du mécanisme, en chimie, c'est postuler que la transformation observée au bout du compte, et qu'on dénomme « réaction », a une dynamique intrinsèque. Le mécanisme d'une réaction chimique est la trajectoire qu'elle suit durant son déroulement. C'est, tout au moins, l'ensemble des trajectoires spatiotemporelles suivies par les atomes, qui se sont réorganisés au cours de cette transformation. Comme la science équivaut à une narration, convenons d'appeler « mécanisme » la suite des épisodes successifs au cours d'une transformation chimique. On pourrait le qualifier encore de scénario pour cette réaction chimique.
Prenons un exemple. Dans la déshydratation de l'éthanol C2H5OH en éthylène C2H4, l'excision d'une molécule d'eau H2O débute-t-elle par le départ du groupement OH ou par celui d'un atome d'hydrogène H ? Cet atome d'hydrogène est-il expulsé sous forme de son seul noyau, le proton H+, ou accompagné d'un (H), voire de deux (H–) électrons ? La vitesse de la transformation dépend-elle ou non de la rupture de la liaison carbone-hydrogène que l'on constate en fin de transformation ? Quel est l'atome de carbone subissant la perte de l'un des atomes d'hydrogène dont il est porteur ?
Étudier un mécanisme réactionnel, c'est répondre à de telles questions, motivées par le désir de tout savoir du comportement des molécules intervenant dans une transformation.
La préoccupation mécanistique vint aux chimistes avec l'avènement de la chimie physique au tournant du xxe siècle. Des pionniers de cette problématique comme Nevil Vincent Sidgwick (1873-1952), Arthur Michael (1853-1942) et Arthur Lapworth (1872-1941) se basèrent sur la thermodynamique et sur des mesures cinétiques. Ils commencèrent à se poser la question des étapes successives dans les réactions.
L' outil cinétique leur donna des éléments de réponse. Il continue d'être très utilisé. La vitesse d'une réaction se mesure par le taux de disparition, avec le temps, des partenaires réactionnels ou réactants, ou encore par le taux d'apparition, toujours avec le temps, des produits de cette réaction. On peut la déterminer en fonction des divers paramètres que sont les concentrations des réactants, la pression, la température, l'acidité du milieu, etc. Cela permet d'inférer de ces données de l'expérimentation l'intervention de tel ou tel intermédiaire.
La notion de mécanisme faisait voler en éclats la description traditionnelle des transformations chimiques par leur mise en équation. Une équation de bilan A + B → C + D, où A et B dénotent les partenaires à l'état initial, C et D les produits de la réaction, est muette quant aux éventuelles étapes intermédiaires : A + B → K ; K → L ; L + A → M ; M + B → N ; N → O + P ; O + P → C + D, qui peuvent s'être succédé. Cela conduit à distinguer entre équations de bilan et équations de mécanisme.
On peut aussi se livrer à des conjectures relatives à l'état de transition. Ce terme désigne le maximum de la courbe représentative de l'énergie potentielle en fonction de l'avancement de la réaction – l'énergie potentielle étant celle qui dépend des positions relatives des atomes. On cherche à connaître la physionomie de cet état de transition, s'il ressemble davantage aux réactants ou aux produits. On s'efforce de déterminer, en gros, les mouvements relatifs des atomes vis-à-vis de leurs positions dans l'état initial.
Théorisée par Henry Eyring (1901-1981) vers la fin des années 1930, cette problématique de l'état de transition naquit alors que l'école anglaise – Robert Robinson (1886-1975), puis Christopher Kelk Ingold (1893-1970) – engrangeait les premières grandes études mécanistiques.[...]
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Écrit par
- Pierre LASZLO : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)
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