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RÉALISME, mathématique

Le réalisme affirme l'existence, indépendante et préalable à la connaissance que nous en avons, des entités mathématiques : nombres, figures, ensembles, fonctions, variétés, etc. Pour le réaliste, le mathématicien manipule des objets bien déterminés qui défient son intelligence. Connaître n'est pas inventer, mais découvrir des éléments, des opérations, des fonctions, des méthodes de démonstration. Le mathématicien le plus imaginatif ne fait que « trouver » des solutions en fonction des contraintes d'objets et d'opérations qui imposent leurs modalités propres. Les propositions mathématiques vraies expriment des propriétés essentielles de ces opérations et objets. La doctrine de la vérité impliquée est celle de l'adéquation ou correspondance entre ce qui est et ce qu'on en dit. La pensée est pensée de l'être. Et l'être est de toute éternité. La vérité mathématique est vérité en soi d'un objet en soi, que nous sachions on non la démontrer. Par exemple le « théorème de Fermat » était vrai avant qu'on n'en trouve une démonstration.

Cependant, les êtres mathématiques ne sont pas des objets du monde extérieur, sensible ou physique. Ce sont des êtres de pensée. Le paradoxe fondamental du réalisme mathématique est d'affirmer la réalité autonome d'êtres de pensée. Le réaliste suppose, en outre, que ces êtres de pensée reflètent l'être tel qu'en lui-même. Aussi rejoint-il l'idéaliste, pour qui, en général, l'être est dans la pensée. Exemple historique, qui a servi de bannière de ralliement aux réalistes modernes, le platonisme discrédite les apparences et les choses inférieures du monde sensible pour réserver la « vraie » réalité, stable et une, aux Idées. L'objet de connaissance n'est pas le substrat de l'Idée, la chose réelle extérieure, mais l'idéalité abstraite dans notre entendement. De nombreux mathématiciens se réclament volontiers du réalisme des Idées platoniciennes. Pour Alain Connes, par exemple, « la suite des nombres premiers a une réalité plus stable que la réalité matérielle qui nous entoure ». Plus stable, parce que le temps ne l'affecte pas de manière essentielle, qu'elle surplombe les frontières de langue, ignore les différences individuelles et culturelles.

Le réalisme et l'infini

Historiquement, les interrogations sur la réalité des entités mathématiques sont principalement liées à la mathématisation de l'infini.

Mais d'un côté, l'infiniment petit renvoie au formalisme. Il fut introduit par Leibniz (1646-1716) non comme entité réelle mais comme « fiction bien fondée » et auxiliaire éliminable de calculs dans lesquels il n'importe aucune contradiction. Les techniques algébriques de l'analyse classique escamotent la réalité substantielle des infiniment petits, tandis que l'analyse non standard d'Abraham Robinson (1918-1974) affirme leur existence en soi et en acte. Mais la construction par extension ordonnée non archimédienne du corps des nombres réels « réalise » formellement l'infiniment petit sans supposer un substrat ou un pendant ontologique.

De l'autre côté, en revanche, l'infiniment grand en acte s'inscrit dans une vision franchement réaliste. Bernard Bolzano (1781-1848) et Georg Cantor (1845-1918), affirment la réalité ontologique des ensembles infinis en s'appuyant d'abord sur le fait que le mathématicien peut les concevoir sans contradiction. Car il suffit de disposer d'un « concept générique » de l'ensemble, c'est-à-dire d'une ou plusieurs propriétés caractéristiques permettant, pour tout élément, de déterminer s'il appartient ou non à l'ensemble. Énumérer un à un les éléments d'un ensemble infini n'est pas nécessaire pour le « ramasser en un tout et le saisir tout entier en pensée[...]

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Écrit par

  • : directrice de recherche émérite, ancienne élève de l'École normale supérieure, docteure ès lettres

Classification

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