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RÉALISME, mathématique

La réalité idéelle des concepts

La réalité immanente des totalités infinies en acte pose leur existence dans un monde séparé d'objets, qui ne sont pas obtenus par abstraction et idéalisation à partir des objets du monde sensible, encore qu'il arrive qu'un réaliste admette simultanément une genèse empirique des objets mathématiques, au moins des objets primitifs : les figures géométriques et les nombres entiers. L'univers mathématique du réaliste est une « Begriffssphäre », un monde d'objets idéels, conceptuels. Cantor considère que le problème de la « réalité » de l'infini est le même que celui de la « réalité » de n'importe quel concept. Et le développement du « matériau idéel » des mathématiques repose uniquement sur la « réalité immanente de leurs concepts », la réalité transcendante étant l'affaire des applications à la mécanique, l'astronomie et la physique. Il s'agit donc d'un développement interne selon des lois de connexion objective qui « ajustent » les nouveaux concepts aux concepts déjà connus et « éprouvés ». Ainsi le concept d'ensemble infini de points est « requis » par l'analyse des problèmes de convergence des séries trigonométriques. Cet auto-engendrement des concepts induit un « réalisme conceptuel » de type dynamique. On est loin du ciel fixe des Idées platoniciennes.

Pour un réaliste strict, le monde idéel objectif n'est pas seulement distinct du monde sensible extérieur et distinct du monde subjectif intérieur. Il est, en outre, irréductible à eux. C'est bien la conception de concepts en soi, détachés des objets qu'ils subsument et indépendants des sujets qui les conçoivent. Il s'ensuit une distinction providentielle entre la réalité, sensible ou mentale, située dans le temps et l'espace, et l'objectivité, qui fonde l'identité transindividuelle et transculturelle des concepts mathématiques. L'origine de cette distinction, explicitement introduite par Frege, vient de la théorie logique des significations objectives de Bolzano. Les significations objectives, ou « propositions en soi », sont le support du vrai en soi et du faux en soi. Une proposition mathématique, même quand elle porte sur des entités ou procédures infinies, est ou vraie ou fausse, de toute éternité et indépendamment de toute preuve. Ainsi, pour Kurt Gödel (1906-1978), l'hypothèse du continu de Cantor (selon laquelle la puissance du continu est la plus petite des puissances ou cardinaux non dénombrables) doit avoir une valeur de vérité. Et son indécidabilité à partir des axiomes usuels « peut seulement signifier que ces axiomes ne contiennent pas une description complète de cette réalité ». Il reste à découvrir de nouveaux axiomes qui, ajoutés aux anciens, rendront l'hypothèse décidable.

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Écrit par

  • : directrice de recherche émérite, ancienne élève de l'École normale supérieure, docteure ès lettres

Classification

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