Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

RÉALISME, philosophie

Le mot « réalisme » a plusieurs acceptions. Le réalisme logique s'oppose au nominalisme, théorie des termes généraux : ceux-ci sont des noms d'entités pour le premier, des abréviations qui désignent collectivement des particuliers pour le second. Le réalisme métaphysique a pour antithèse l' idéalisme, que Berkeley appelle immatérialisme et qui consiste à nier l'existence d'une matière des corps, indépendante de nos perceptions. Le matérialisme, sorte de réalisme physique, comporte un postulat supplémentaire ; il identifie matière et réalité sans être capable d'élucider la nature de la matière.

On qualifie indifféremment de réalisme ou d'idéalisme la doctrine platonicienne qui attribue aux idées formes une réalité indépendante, tant des substrats qui les portent que des individus qui en acquièrent une connaissance (du reste imparfaite). On nomme aussi réalisme la transformation d'une entité logique en un réel doué d'existence ailleurs que dans l'esprit d'un sujet connaissant (c'est, d'après Émile Meyerson, le réalisme « au sens que l'on attribuait à ce terme au Moyen Âge ».)

Les réalistes affirment que des concepts tels que substance, infini, cause ne sont pas seulement des déterminations mentales ou des produits de l'entendement. Ils admettent parfois, outre une substance universelle, un découpage de cette substance en essences, donnant lieu à des substances particulières (individuation). Les idéalistes (Léon Brunschvicg après Charles Renouvier), qui critiquent les « abstractions réalisées », ne voient pas que la science « réalise » des concepts en supposant des atomes, des électrons, un espace-temps courbe, etc., avant que l'expérience soit en mesure de trouver ces entités dans le monde physique. Ces entités sont d'abord de nature virtuelle (voir les remarques d'É. Meyerson, Du cheminement de la pensée, 1931, II, paragr. 215, p. 356). Les idéalistes estiment les substances inutiles, parce que inconnaissables et indéfinissables, faute de propriétés par quoi les définir : nous ne connaissons que des rapports. Les philosophes réalistes repoussent l'objection en disant que les substances se révèlent par leurs relations. De plus, l'inconvénient de remplacer les substances par les lois se manifeste par des conséquences négatives en épistémologie (l'indétermination des relations, qu'on prétend justifier par une doctrine ad hoc, le conventionnalisme).

En résumé, réalisme et idéalisme sont des thèses sur ce qu'il y a et des doctrines du rapport de la pensée et de la réalité. Pour une métaphysique réaliste, les déterminations de la pensée ne sont pas étrangères aux objets ; « les choses et leur pensée s'accordent quand elles sont pleinement actualisées » (Hegel). Une connaissance vraie atteint les choses telles qu'elles sont en soi, et les lois scientifiques ont d'abord leur raison d'être dans la réalité extérieure. Pour l'idéalisme, par exemple kantien, devenu l'orthodoxie des philosophes (et peut-être des savants ?), ces lois sont fondées sur les propriétés de l'esprit humain ; la pensée s'arrête aux phénomènes, c'est-à-dire que le sujet pensant perçoit des choses moyennant les formes de l'intuition et les catégories. (Les déterminations de l'universalité et de la nécessité, qui sont celles de la connaissance, l'expérience ne les fournit pas ; elle ne contient que du variable et du contingent ; universalité et nécessité, exprimées en des jugements soit analytiques soit synthétiques a priori, proviennent de la pensée.)

Dans la littérature, on a coutume d'appeler (péjorativement) « réalisme naïf » la croyance en l'existence d'objets extérieurs correspondant aux données de nos sens, ou l'attribution, au représenté[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université Paris-XII-Val-de-Marne, Créteil

Classification

Autres références

  • BRADLEY FRANCIS HERBERT (1846-1924)

    • Écrit par
    • 3 615 mots
    ...des solutions que propose Nietzsche pour ses grands problèmes est aussi ce qui donne leur sens à tous les différents degrés de réalité d'après Bradley. D'une certaine manière, Bradley est tout près des empiristes qui nous rappellent sans cesse à l'expérience ; mais il a toujours le sentiment que tout ce...
  • CAUSALITÉ

    • Écrit par , et
    • 12 987 mots
    • 3 médias
    ...choisir entre deux positions métaphysiques : l' idéalisme, qui part des représentations, et limite ses ambitions, du moins en sciences, à « sauver les phénomènes » ; leréalisme, qui pense que, même si « le réel est voilé », on peut soulever certains coins du voile, et avoir accès à ce qui est.
  • CONCEPTUALISME, philosophie

    • Écrit par
    • 1 329 mots
    Le conceptualisme s'accorde avec le réalisme des Idées pour admettre l'existence des entités abstraites comme celles des nombres ou des qualités ; mais il leur refuse la transcendance que les platoniciens leur accordent. Du point de vue conceptualiste, la réalité des entités abstraites s'explique par...
  • CONNAISSANCE

    • Écrit par , et
    • 9 106 mots
    • 1 média
    ...peut renvoyer à la chose réelle que vise, en définitive, l'acte de connaissance. Les diverses théories de la connaissance qui ont été élaborées au cours de l'histoire tentent de résoudre ce problème. Elles peuvent être ramenées à deux schémas principaux : celui duréalisme et celui de l' idéalisme.
  • Afficher les 23 références