RÉALISME, philosophie
Les thèses métaphysiques du réalisme
Renouvier rejette une histoire de la philosophie écrite comme le récit d'une évolution dont les étapes sont les systèmes particuliers, absorbés dans une série que l'auteur clôt en en proposant la somme (Hegel). La suite des systèmes est plutôt une succession de réponses à un petit nombre de questions qui ne se peuvent trancher que par l'affirmative ou la négative. Au lieu de se ranger selon un ordre évolutif, les systèmes rentreront donc dans une classification. Les problèmes métaphysiques sont des dilemmes ; ils suscitent des thèses et des antithèses. Reste à chercher quelles relations logiques existent entre ces thèses et ces antithèses respectivement.
Quand on opte pour la classification (ou contre l'évolution), on ne peut pas soutenir que les doctrines philosophiques sont dictées par la nécessité ; leur individualité et la liberté des esprits qui les ont formulées sont maintenues. Cela semble raisonnable, car la philosophie inclut un facteur mystérieux de volonté, qui est étranger aux sciences ou qui s'y manifeste autrement (choix des intérêts, expérimentation). Une classification plus récente des doctrines – J. Vuillemin, Nécessité ou contingence, les apories de Diodore et les systèmes philosophiques, 1984 – prend pour base la question de la nécessité. Elle sépare le réalisme (des universaux), strictement nécessitarien, le conceptualisme (l'hylémorphisme implique une détermination incomplète par les formes) et le nominalisme (systèmes de l'examen et de la liberté). L'auteur ne sort guère du cadre historique médiéval et il se borne à ce qui s'est développé autour d'un seul dilemme, au lieu, comme Renouvier, de chercher les relations entre les thèses suscitées par des dilemmes différents.
Pour Renouvier, il y a seulement deux types de système, le réalisme et l'idéalisme, qui ne sont quasiment jamais purs, en partie à cause de l'influence du réalisme spontané, qui reprend souvent le dessus chez les penseurs idéalistes, et, au moins depuis l'époque moderne, parce que le développement de l'analyse psychologique, la philosophie transcendantale et l'étude des conditions de la connaissance ont fourni à l'idéalisme l'appui d'arguments non négligeables, notamment sur l'insuffisance de certaines définitions simplistes du vrai par adéquation de la pensée et de la chose (cf. Kant, Notes marginales : « Ma pensée doit correspondre à l'objet. Or je ne peux comparer ma pensée avec l'objet que par le fait de le connaître »).
Le réalisme, Renouvier l'appelle philosophie de la chose, compte tenu de ce fait que le réel indépendant de l'existence de consciences est décrit par les systèmes réalistes comme étant Dieu, l'idée platonicienne, la substance spinoziste, l'esprit absolu, la matière, l'infini, etc., « support universel ou cause ultime, indépendante de la conscience et d'où les consciences ont à procéder ». Renouvier oppose alors à cette philosophie de la chose les philosophies de la personne ou de la conscience (idéalisme). Regardé du point de vue du paradigme idéaliste, le réalisme consiste à attribuer une réalité subjective (de sujets ou dans des sujets) à ce qui, pour l'idéalisme, constitue des éléments de la représentation : il subjective des éléments qui sont donnés comme des objets à l'entendement (« subjectif » et « objectif » étant pris au sens ancien et médiéval, encore présent chez Descartes et chez Spinoza). Telle est d'après Renouvier, qui la surestime, la force de l'instinct réaliste, qu'il a retardé l'essor de la pensée idéaliste, en empêchant les écoles éléatique, démocritéenne et platonicienne de se comprendre elles-mêmes : car elles vont à reconstruire le monde avec des êtres virtuels ou avec des concepts, c'est-à-dire tendent à le ramener[...]
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Écrit par
- Jean LARGEAULT : professeur à l'université Paris-XII-Val-de-Marne, Créteil
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