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RÉALITÉ PHYSIQUE

Déterminisme ou indéterminisme

Si la contestation de certaines idées faussement évidentes fut, au xxe siècle, d'abord due à la relativité, la mécanique quantique l'a poussée à son paroxysme, et cela de plusieurs façons : en premier lieu, en affirmant qu'il n'y a pas de sens à parler de la position et de la vitesse d'une particule, même ponctuelle, si on entend par là des valeurs arbitrairement précises que posséderaient à la fois ces deux entités (tel est le sens des relations d'incertitude de Heisenberg) ; en second lieu, en renonçant à la notion de déterminisme absolu qui avait jusqu'alors été considérée comme une des conditions de la possibilité de toute science. En mécanique quantique (nous nous référons ici à sa formulation généralement acceptée, réservant pour les paragraphes suivants l'étude de versions différentes), il n'y a pas, en général, déterminisme des phénomènes individuels. Il y a seulement déterminisme statistique : pour comprendre ce dont il s'agit, il est commode de penser à une expérience du type des expériences de diffraction, mais effectuée sur un faisceau de particules et non sur une onde classique. Alors que la mécanique classique ne prévoit, dans un cas pareil, l'apparition d'aucune frange d'interférence (ces franges caractérisent les phénomènes ondulatoires), la mécanique quantique, bien au contraire, prédit l'observation de tels effets (qui sont observés réellement).

Imaginons alors que l'intensité du faisceau soit affaiblie de telle manière que, à un instant donné, ne se trouve en moyenne qu'une seule particule sur le trajet qui va de la source à l'écran, sur lequel tout à l'heure on observait les franges. On pourrait s'attendre à ce que chaque particule se « répande », de manière à reproduire encore sur cet écran la figure d'interférence. Il n'en est rien. L'expérience montre, en effet, que de telles particules ne se manifestent jamais, individuellement, sous une forme ainsi « étalée ». Mais, précisément, ce qu'affirme la mécanique quantique n'est rien de tel : elle affirme, au contraire, que dans ces conditions, les particules considérées apparaîtront toujours sous forme quasi ponctuelle, mais en des points différents de l'écran, bien qu'elles soient toutes produites et acheminées dans des conditions identiques. Ce fait étrange a priori – mais confirmé, indirectement, par l'étude expérimentale – est considéré comme reflétant un indéterminisme vrai des observations individuelles. Quant au déterminisme statistique, il se traduit simplement par le fait, prédit théoriquement et vérifié également par l'expérience, que, lorsque de nombreuses particules parviennent jusqu'à l'écran, simultanément ou successivement, l'ensemble de leurs points d'impact dessine de nouveau la figure d'interférence parfaitement stable et prévisible présentée plus haut.

Deux questions se posent en liaison avec ces données. D'abord, s'agit-il d'un indéterminisme vrai ou seulement d'une apparence de hasard qu'expliquerait notre ignorance ? Ensuite, dans la première de ces hypothèses, peut-on dire légitimement que, à chaque instant, la particule est matériellement soit en un lieu, soit en un autre ? La deuxième question sera abordée ci-dessous. Quant à la première, elle peut se reformuler comme suit : en plus des variables observables habituelles, existe-t-il des variables cachées qui détermineraient le mouvement de chaque particule individuelle, mais qui, dans l'expérience considérée, n'ont pas les mêmes valeurs pour toutes les particules ? Cela rendrait compte du fait que les points d'impact sur l'écran ne coïncident pas les uns avec les autres.

L'idée de l'existence de variables « cachées[...]

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  • : professeur émérite des Universités, membre de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques)

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