WEST REBECCA (1892-1983)
Cecily Isabel Fairfield est née dans le comté de Kerry, en Irlande, le 25 décembre 1892. Elle avait dix ans lorsque mourut son père, Charles Fairfield, officier de l'armée et correspondant de guerre. Sa mère, pianiste de grand talent (trait que la romancière utilise dans The Fountain Overflows), retourna alors à Édimbourg, sa ville natale, où Cecily continua ses études tout en suivant des cours d'art dramatique. Pendant quelque temps, elle exerça le métier d'actrice (et c'est à ce moment que, s'inspirant d'un personnage de Romersholm, le drame d'Ibsen dans lequel elle jouait, elle adopta le pseudonyme sous lequel elle devait écrire). Dès 1911, elle se lança dans le journalisme. À vingt ans, elle était engagée au Clarion pour couvrir les questions politiques. Études sur la vie politique et critiques littéraires paraissaient bientôt régulièrement dans le Star, le Daily News, le New Statesman, puis dans l'American Bookman et le New Republic. En même temps, elle s'engageait dans la bataille pour le féminisme et ne tardait pas à figurer parmi les suffragettes les plus convaincues. Ses intérêts et ses modes d'expression se sont ensuite diversifiés mais c'est dans le domaine, tôt abordé, du journalisme qu'elle acquit la réputation qu'elle devait maintenir au cours de sa longue vie : celle de posséder l'un des esprits les plus pénétrants, les plus aiguisés de son temps.
Cet intérêt passionné pour le journalisme ne se démentit jamais : quoique son œuvre soit constituée principalement de romans, elle continua, tout au long de sa vie, de collaborer à divers journaux (critique littéraire au Daily Telegraph, elle publia aussi articles et nouvelles dans des revues anglaises et américaines), prenant parti dans les grands débats de l'époque. Son œuvre romanesque n'est d'ailleurs pas sans refléter de telles préoccupations. Si ses romans – dont certains paraissent aujourd'hui assez datés – connurent une grande vogue, ce sont pourtant ses rapports sur le procès des grands criminels de guerre de Nuremberg qui lui valurent sa réputation. En 1915, alors qu'elle était mariée au romancier H. G. Wells (dont elle eut un fils, Anthony West), Rebecca West acheva sa première étude littéraire, un court essai sur Henry James dont elle admirait la technique romanesque et qui devait avoir une influence sur son œuvre. Cette étude fut suivie de huit romans, parmi lesquels The Return of the Soldier (1918), The Judge (1922), Harriet Hume (1929), The Harsh Voice (1935), The Thinking Reed (1936), The Fountain Overflows (1956) et The Birds Fall Down (1966). De l'un à l'autre, les mêmes grands thèmes se retrouvent : mensonge et vérité, aspects du bien et du mal, impossibilité de concilier bonheur et recherche de la vérité, nécessité d'affronter la réalité... Ces romans sont donc porteurs d'un message, mis au service d'un idéal bien précis, même si l'intrigue rappelle parfois celle d'un roman d'espionnage ou si l'excès de sentimentalité, la profusion des métaphores édifiantes en viennent à couvrir le propos principal. Ces défauts ne peuvent en tout cas dissimuler la variété des sujets de préoccupation, la curiosité intellectuelle qui les sous-tend, ni l'audace de la pensée. The Return of the Soldier utilise déjà amplement les acquis de la psychanalyse, science pourtant fort peu connue du grand public à cette époque. Dans ce même roman, Rebecca West avance l'une de ses revendications principales – la liberté pour les femmes, comme pour les hommes, d'exprimer les besoins de la sexualité. Ici, la perte de la mémoire est le moyen commode permettant d'adopter un comportement qu'interdisaient les conventions sociales.
Ces conventions, ces injustices, Rebecca West ne cessa de les dénoncer, sans perdre[...]
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Écrit par
- Christine JORDIS : écrivain, critique littéraire
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