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RÉCEPTION, art et littérature

En histoire de l'art comme en littérature, la notion de « réception » recouvre des objets et des méthodes variés, relevant de traditions intellectuelles distinctes. Le terme lui-même renvoie à l'« esthétique de la réception », développée dans le domaine de la littérature à partir des années 1960, au sein de l'école de Constance, par l'universitaire allemand Hans Robert Jauss. Selon lui, une œuvre littéraire ne se constitue qu'au moment où elle devient l'objet de l'expérience littéraire des contemporains ou de la postérité (Pour une esthétique de la réception, 1966). Dans cette conception profondément historiciste, l'œuvre a nécessairement un caractère polysémique, du fait de la pluralité des lecteurs et surtout des époques ou des contextes qui sont les leurs. La tâche de l'interprète consiste alors à reconstituer l'« horizon d'attente » du premier public – c'est-à-dire l'ensemble des conventions et des références partagées par celui-ci – et à mesurer l'écart esthétique que porte l'œuvre nouvelle qu'il considère, en se servant des réactions du public et des jugements de la critique. Mais cette esthétique de la réception ne vise pas uniquement le moment de la création des œuvres et leur pouvoir de subversion face aux attentes des contemporains. La succession des interprétations dans le temps figure également à son programme. Ainsi cette théorie ne conçoit-elle pas la signification des œuvres comme univoque et stable, mais, tout à l'inverse, comme historiquement construite et dialogique, puisque produite dans le champ séparant les propositions de l'œuvre et les multiples réponses des lecteurs.

Histoire de l'art

En histoire de l'art, l'esthétique de la réception a été adaptée par Wolfgang Kemp, qui, dans Le Spectateur est dans le tableau. Science de l'art et esthétique de la réception (1985), l'envisage comme l'étude des signaux et appels au spectateur présents dans chaque œuvre. Profondément influencée par la critique de Diderot, et surtout par les travaux du grand historien de l'art viennois Aloïs Riegl (en particulier par ses derniers ouvrages, tel celui consacré au Portrait de groupe hollandais, 1902), cette conception de la réception resserre le champ d'analyse en privilégiant l'œuvre et son spectateur. Ici, l'agent le plus actif de la réception est en réalité l'œuvre d'art, dans la mesure où elle détermine de manière quasi structurale sa relation au spectateur. Ce spectateur est une construction de l'artiste : il n'entre pas dans l'intention de Kemp de briser ce type abstrait, de le détacher de l'œuvre pour le situer dans son historicité, en s'interrogeant sur son équipement culturel spécifique, bref, de le transformer en un public admettant des modulations dans la perception des œuvres. À ce titre, Kemp distingue clairement l'« esthétique de la réception » (Rezeptionsästhetik), dont relève précisément l'étude de la présence implicite du spectateur dans les œuvres, des différentes formes d'une « histoire de la réception », qui comprend l'étude de l'évolution des formules artistiques, et que l'on peut également désigner comme l'histoire de l'« effet » produit (Wirkungsästhetik), ou l'histoire de la réception littéraire, la psychologie de la réception et enfin l'« histoire du goût ».

Or certaines de ces dernières catégories, que Kemp a soin de distinguer, correspondent à des domaines de recherche infiniment féconds, qui n'ont guère eu besoin des attendus théoriques de l'esthétique de la réception pour se constituer. Il existait déjà un genre essentiel en histoire de l'art, qui assumait la collecte de certaines catégories de réactions devant les œuvres : la « fortune[...]

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure, agrégée de lettres modernes, docteure en lettres modernes et en arts du spectacle
  • : ancien pensionnaire à l'Institut national d'histoire de l'art, chargé de cours à l'École du Louvre

Classification

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