RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE ET MER MÉDITERRANÉE
La Méditerranée est la mer semi-fermée la plus grande de la planète. Tel un océan miniature, c’est un bassin approprié pour étudier l’impact du changement climatique sur l’océan. Le temps de résidence de ses eaux (de l’ordre du siècle) étant plus faible que celui de l’océan global, une réponse rapide du système face aux changements est attendue dans cette région particulièrement vulnérable au changement climatique. Haut lieu de la biodiversité marine, la Méditerranée abrite 10 000 à 12 000 espèces marines dont un quart sont endémiques. Néanmoins, le bassin subit une pression anthropique forte depuis son littoral jusqu’au large, ce qui accroît considérablement la fragilité de ses écosystèmes.
Les modèles climatiques globaux (utilisés par exemple dans les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, G.I.E.C.) n’ayant pas la résolution requise pour représenter correctement la circulation complexe et les masses d’eau de la Méditerranée, des modèles océaniques régionaux haute résolution (quelques kilomètres) sont développés afin d’étudier l’impact du changement climatique sur cette mer en transition.
Des simulations climatiques couvrant la période 1961-2099 permettent d’étudier la réponse océanique face au changement climatique et d’évaluer l’incertitude associée. Cette réponse peut être modulée selon le scénario socio-économique choisi, mais aussi selon les conditions de salinité et de température des eaux atlantiques entrant dans le bassin méditerranéen à travers le détroit de Gibraltar. De même, les apports d’eau douce par les rivières et la mer Noire ainsi que les échanges d’eau et de chaleur avec l’atmosphère peuvent varier dans le futur, en fonction du scénario considéré. Par exemple, un scénario socio-économique avec de fortes émissions de gaz à effet de serre (G.E.S.) aura tendance à considérablement réchauffer le bassin et augmenter son évaporation.
L’impact du changement climatique est analysé en comparant des périodes de trente ans, soit 2070-2099 et 1961-1990 pour la période de référence. Calculé entre ces deux périodes, le réchauffement moyen de la température de surface de la mer pourrait varier de 1,75 0C pour la simulation à plus faibles émissions de G.E.S. à 3 0C pour la simulation à plus fortes émissions de G.E.S. Le réchauffement pourrait atteindre 4 0C dans les zones les plus impactées, telle la région autour des îles Baléares. Notons que le réchauffement de surface de la Méditerranée se propagera vers les couches plus profondes. En ce qui concerne la salinité de surface, celle-ci pourrait augmenter d’un gramme de sel par litre d’eau d’ici la fin du siècle.
Ces changements hydrographiques entraînent des modifications des caractéristiques des masses d’eau méditerranéennes et de la circulation thermohaline du bassin. Cette circulation repose principalement sur le mécanisme de formation d’eau profonde, avec des eaux de surface qui se densifient en hiver et plongent vers le fond, alimentant en oxygène les couches profondes de la Méditerranée. En climat présent, ce phénomène a lieu principalement dans le golfe du Lion et dans le bassin adriatique. En climat futur, les simulations mettent en évidence des changements importants et rapides de la circulation thermohaline en Méditerranée et prévoient notamment une forte augmentation de la convection profonde à l’est, dans le bassin levantin. Des modifications notables des courants de surface et une augmentation du niveau de la mer sont également détectées.
Ces transformations rapides des caractéristiques physiques de la Méditerranée pourraient avoir un impact considérable sur ses écosystèmes marins. Face au réchauffement, de nombreuses espèces tendent à migrer vers le nord et se retrouvent coincées par un effet cul-de-sac le long des côtes du nord du golfe du Lion,[...]
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Écrit par
- Fanny ADLOFF : docteure, chercheuse contractuelle au Centre national de recherches météorologiques - Groupe d'étude de l'atmosphère météorologique, Météo-France - CNRS
Classification
Média