RECHERCHES LOGIQUES, Edmund Husserl Fiche de lecture
La première édition, à Halle, des Recherches logiques (Logische Untersuchungen) date de 1900-1901 et fonde véritablement la phénoménologie, tout comme L'Interprétation des rêves de Freud (1900) fonde la psychanalyse. C'est contre le psychologisme qui, à partir des lectures néo-kantiennes, fait des catégories de la pensée des dispositions naturelles de l'esprit qu'Edmund Husserl (1859-1938) va se battre. Ainsi que, parallèlement, contre le logicisme ignorant des conditions constitutives des objets de la logique. Cette œuvre n'est cependant pas exempte d'ambiguïtés ou d'insuffisances que l'auteur saura reconnaître. Il n'était pas homme de livre et, s'il a beaucoup écrit, il aura peu publié. Les aperçus fondateurs qu'il ne cessera d'approfondir sont mis en place dans cette œuvre « de percée » et auront une portée considérable pour la philosophie du xxe siècle. Heidegger, Merleau-Ponty, Lévinas, Derrida, pour ne citer que ces noms, n'oublieront pas la leçon.
La critique du psychologisme et le « retour aux choses mêmes »
Comme le souligne Husserl dans son « Esquisse d'une préface » (rédigée en 1913 pour la seconde édition des Recherches logiques), « les thèmes traités sont très arides et se trouvent éloignés de l'intérêt du grand public ». Et, à la réception, les malentendus furent nombreux : les accusations de « retombées dans le psychologisme » – contre lequel il dirigeait précisément ses analyses – furent les principales, avec celle de « platonisme », autrement dit de formalisme.
Parti des mathématiques, Husserl en recherche les fondements d'abord dans la logique, puis dans l'activité de l'esprit où celle-ci s'enracine. Mais ces activités n'ont rien de réductibles aux lois qui régissent le fonctionnement de notre psychisme. De fait, Les Prolégomènes à la logique pure, qui constituent le volume préliminaire à ces six recherches, offrent une critique élaborée de toutes les réductions de la logique à des faits psychologiques ou empiriques. J.-S. Mill, H. Lipps font l'objet d'analyses d'autant plus minutieuses que le livre de Husserl sur la Philosophie de l'arithmétique (1891) – dont il ne publia que le premier volume – n'était pas lui-même toujours exempt d'empirisme. Toute soumission de la norme au fait, empiriste par nature, conduit à l'historicisme, au relativisme, voire au scepticisme que le philosophe, jusqu'à la fin, ne cessera de combattre. Si la méthode ici dégagée et mise en œuvre s'affirme comme « radicalement intuitive », l'intuition ne saurait toutefois être rapportée à un donné empirique quelconque. La « chose même » à laquelle il faut faire retour, est le sol du « vécu » intentionnel de la conscience où s'enracinent et s'élaborent, entre autres, les idéalités logiques analysées dans ces recherches.
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Écrit par
- Francis WYBRANDS : professeur de philosophie
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