RÉCIT
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Au cours des années 1960, les études du récit vont s'orienter suivant deux directions principales. Dans le domaine littéraire, on a tenté de définir des catégories générales du récit saisies dans des textes particuliers : À la recherche du temps perdu, de Proust, ou La Modification, de Michel Butor, par exemple. Mais certaines de ces catégories ne convenaient-elles pas également à des histoires racontées avec d'autres médias que le langage : le cinéma, le théâtre, par exemple ? De même que Saussure définit la linguistique comme une branche particulière d'une science générale des signes, la sémiologie, de même on a pu envisager l'étude d'une sémiologie ou sémiotique du récit, ou encore narratologie, c'est-à-dire l'étude du récit quel que soit son support. Dans cette seconde direction, l'analyse n'est plus inductive mais déductive, soit que l'on parte de systèmes narratifs déjà décrits dans l'étude de contes populaires de tradition orale, l'étude des mythes, ou celle des situations dramatiques, soit que l'on se réfère à des modèles logico-mathématiques et que l'on pose, in abstracto, la question de la définition du récit. La difficulté tiendra alors dans l'articulation de schémas narratifs très généraux à des réalisations narratives particulières : un récit littéraire, un reportage oral, un film, etc.
De son côté, la réflexion sur la représentation narrative permet de mettre en lumière le jeu complexe des dispositifs qui, à l'intérieur de l'espace pictural, vont mettre en scène la faculté de narration.
Logiques du récit
Pour décrire une structure narrative, il faut d'abord définir une unité constante de mesure, de comparaison et de classement des différents récits. C'est ce qu'ont cherché Joseph Bédier dans les fabliaux ou Vladimir Propp dans les contes russes. Pour Propp, c'est la fonction, c'est-à-dire l'action d'un personnage, définie du point de vue de sa signification dans le déroulement de l'intrigue. À partir d'une situation initiale, il distingue trente et une fonctions.
À partir de la fonction, on peut définir des « sphères d'action », c'est-à-dire des regroupements logiques de fonctions qui seront prises en charge soit par un seul personnage, soit par plusieurs. Par exemple, le héros peut rencontrer en chemin un arbre, un animal ou une vieille femme, leur rendre service et recevoir en récompense un objet qui l'aidera plus tard dans sa quête ; tous trois seront alors confondus dans la sphère d'action du « donateur ». Inversement, il peut recevoir une mission d'un roi (sphère d'action du « mandateur ») ou se donner à lui-même cette mission (il occupe dans ce cas à la fois la sphère d'action du « mandateur » et celle du « héros »). Propp distingue sept sphères d'action : l'agresseur ; le donateur (de l'auxiliaire magique) ; l'auxiliaire magique ; la sphère de la princesse et de son père ; le mandateur ; le héros ; le faux héros.
La notion de « personnage » est ainsi déplacée, et bien que Propp ait souligné que les conclusions auxquelles il avait abouti n'étaient à considérer que dans le domaine du folklore, elles ont certainement joué un rôle très important dans la remise en question de la notion de personnage dans tout récit, et dans les récits romanesques en particulier. De même, la critique qu'il fait du classement des récits par « sujets » a certainement contribué à renouveler les recherches en littérature comparée.
Avec Propp, l'accent est mis sur la syntaxe narrative. Cela peut s'expliquer par la nature des récits sur lesquels il travaille. Dans les contes de transmission orale, les marques du narrateur tendent à s'effacer ou à se localiser en quelques formules conventionnelles[...]
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Écrit par
- Louis MARIN : professeur d'Université, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
- Jean VERRIER : maître assistant à l'université de Paris-VIII, département de littérature française
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