Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

RECONNAISSANCE, sociologie

La notion de reconnaissance doit une part de son succès à l’omniprésence des phénomènes qu’elle désigne dans le fonctionnement du monde social. Pour saisir simplement cette notion particulièrement labile, on peut dire que la reconnaissance a lieu à chaque fois qu’un individu, un groupe ou une institution valide une identité revendiquée par autrui (celle d’« artiste », par exemple) ou le crédite d’une certaine valeur sociale. L’acte de reconnaissance peut être formel (cérémonie de remise de prix) ou informel (compliments) et il s’accompagne souvent d’une attente de réciprocité (respect mutuel). La dimension fondamentalement relationnelle de la reconnaissance en fait un objet privilégié de la sociologie : il n’existe pas de reconnaissance en dehors des relations sociales à travers lesquelles elle s’instaure ; inversement, le besoin et les normes de reconnaissance sont un puissant vecteur de lien social.

La reconnaissance fait partie de ces notions sociologiques dont le sens demeure profondément ancré dans la philosophie, celle de Hegel en particulier, qui en fait le fondement des relations humaines. On la retrouve notamment chez le philosophe Axel Honneth, héritier de l’école de Francfort, dont la théorie de la « lutte pour la reconnaissance » (2002) est centrale dans les débats contemporains.Pour Honneth, la vie sociale obéit à une dynamique conflictuelle pour la reconnaissance qui constitue une contrainte normative de l’ensemble des interactions. À l’échelle de la société, cette contrainte contribue à la régulation de l’ordre social tandis qu’à l’échelle individuelle les relations de reconnaissance jouent un rôle important dans le rapport positif ou négatif à soi-même. Ainsi, pour Honneth, le « besoin de reconnaissance » est un élément clé de la construction de l’identité et, dans le sillage de G. H. Mead, il souligne l’importance cruciale de la reconnaissance dans le processus de socialisation. C’est dans cette perspective qu’il distingue trois grandes sphères de reconnaissance : la sphère de l’amour ou de l’amitié au fondement de la confiance en soi ; la sphère du droit à l’origine du respect de soi ; la sphère de la solidarité sociale, notamment celle du travail, au fondement de l’estime de soi. Il s’agit également, pour Honneth, de sphères de justice sociale à partir desquelles il a pour ambition de rendre compte de la diversité des expériences de l’injustice.

Proches de l’échange de dons (Caillé, 2007), les relations de reconnaissance impliquent simultanément un rapport de pouvoir entre celui qui accorde la reconnaissance et celui qui la reçoit. Pierre Bourdieu (1997) souligne le lien entre reconnaissance et pouvoir avec la notion de capital symbolique : « Le monde social est […] à la fois le produit et l’enjeu de luttes symboliques, […] pour la connaissance et la reconnaissance, dans lesquelles chacun poursuit non seulement l’imposition d’une représentation avantageuse de soi, […] mais aussi le pouvoir d’imposer comme légitimes les principes de construction de la réalité sociale les plus favorables à son être social (individuel et collectif […]) ainsi qu’à l’accumulation d’un capital symbolique de reconnaissance ». La métaphore du capital permet ainsi d’analyser la reconnaissance en termes d’accumulation d’une « énergie » sociale qui devient une force pour qui la détient.

Variés, les usages de la notion de reconnaissance sont plus particulièrement présents dans trois domaines de la sociologie : la sociologie politique, la sociologie du travail et la sociologie des arts.

En sociologie politique, les écrits d’Axel Honneth (2002) et de Charles Taylor (2009) offrent une grille d’analyse des motifs et des conditions sociales des mobilisations de plus en plus nombreuses pour l’accès à la reconnaissance sous diverses formes (droits fondamentaux,[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur en sociologie, maître de conférences à l'université de Poitiers, chercheur au Groupe de recherche et d'études sociologique du centre-ouest, membre associé du Centre européen de sociologie et de sciences politiques

Classification

Autres références

  • CHÔMAGE - Sociologie du chômage

    • Écrit par
    • 2 478 mots
    ...généralement admis : le chômage est une construction sociale, résultant de la codification de certaines situations hétérogènes en un statut, et implique la reconnaissance sociale d'une légitimité à occuper un emploi. Elles font alors resurgir des questions qui semblaient résolues : qu'est-ce qu'être chômeur,...
  • ETHNOLOGIE - Ethnologie générale

    • Écrit par
    • 9 581 mots
    ...L'ethnologie a permis de comprendre avec précision la nature de la parenté ; c'est l'une de ses contributions les plus importantes. La parenté est la reconnaissance sociale de liens biologiques réels ou supposés, qui se créent par les naissances et les mariages. La continuité de toute société dépend...
  • RÉSEAUX SOCIAUX, Internet

    • Écrit par
    • 2 719 mots
    Sur le Web 2.0, les personnes se rendent certes caractérisables par les données qu'on assigne habituellement à la reconnaissance individuelle comme la photo, le sexe, l'âge ou la profession. Mais la dynamique qui concourt à la réussite du Web 2.0 tient surtout au fait que de plus en plus d'informations...