RÉDUCTIONNISME & HOLISME
Un exemple, la théorie de l'évolution
L'enjeu de la théorie de l'évolution est le suivant : les réductionnistes doivent montrer comment toutes les formes de la vie sont dérivables à partir d'une matière vivante qui serait elle-même un phénomène physico-chimique. C'est à ce titre que cette théorie est prise en considération ici.
L'idée de l'évolution est ancienne ; elle figure déjà chez Anaximandre. Observant que l'homme a besoin d'une longue période d'allaitement, à la différence des autres animaux qui trouvent aussitôt leur nourriture, il en infère que l'homme n'aurait pas survécu s'il avait été à l'origine tel qu'il est maintenant. Les pythagoriciens conçoivent une évolution qui irait du multiple à l'un, Démocrite conçoit l'évolution comme allant du chaos à l'ordre par le moyen du fortuit. À l'époque classique, dans un contexte préformationniste (Leibniz, C. Bonnet), « évolution » signifie déroulement d'un principe intérieur, mise au jour de potentialités immanentes. Le développement de l'embryon est dirigé par une forme, l'hérédité qui le maintient dans des limites fixes. La forme se reproduit ; l'embryon d'une espèce ne ressemble qu'à un embryon de la même espèce, etc. (Aristote : « L'homme engendre l'homme et la plante la plante »). Nous pouvons appeler holiste cette conception. Par la suite, « évolution » s'emploie à propos de changements quelconques. Une évolution n'est pas forcément dirigée, elle résulte d'interactions et de causes physico-chimiques. La théorie qui manquait et qui explique les facteurs de l'évolution des êtres vivants, comprise en ce sens, a été créée en deux étapes, la première, le transformisme, due pour l'essentiel à Lamarck. Théorie de l'évolution devient synonyme de transformisme, puis le transformisme est repensé par Darwin. Il n'y a pas une mais plusieurs théories de l'évolution. Le néo-darwinisme (attribué à Weismann) et des variantes plus récentes diffèrent des hypothèses de Darwin. La théorie de l'évolution prend son origine dans les intuitions de Goethe et de Geoffroy Saint-Hilaire sur l'unité de plan des organismes ; d'une espèce à l'autre, l'organe peut changer de fonctions sans changer de connexions. Newton a déjà remarqué « l'incontestable uniformité qui règne dans les corps des animaux ». C. Bonnet a l'intuition de la variation des espèces et d'une comparaison possible entre développement individuel et histoire de l'espèce. Kant joue avec l'idée que l'unité de structure impliquerait la parenté des êtres, une dérivation de toutes les espèces à partir d'une souche commune, mais il ne l'exploite pas : « Cette analogie de formes, qui, malgré leur diversité, paraissent avoir été produites conformément à un type commun, fortifie l'hypothèse que ces formes ont une affinité réelle et qu'elles sortent d'une mère commune, en nous montrant chaque espèce se rapprochant graduellement d'une autre espèce, depuis celle où le principe de la finalité semble le mieux établi, l'homme, jusqu'au polype, et depuis le polype jusqu'aux mousses et aux algues [...]. Il est permis à l'archéologie de la nature de [...] chercher le principe de la grande famille des créatures... » (op. cit., paragr. 79). Geoffroy Saint-Hilaire découvre que les formes de tous les organes se trouvent dans tous les embryons et esquisse la loi biogénétique plus tard dégagée par Haeckel.
L'une des idées sous-jacentes aux théories évolutionnistes est celle de continuité entre les animaux d'une espèce et entre les espèces elles-mêmes. L'autre idée est que l'évolution est mécaniste et non dirigée. Là-dessus le transformisme[...]
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Écrit par
- Jean LARGEAULT : professeur à l'université Paris-XII-Val-de-Marne, Créteil
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