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TAIKA RÉFORME DE (645)

La cour de Yamato, durant des siècles obscurs, a fait l'unité du Japon, c'est-à-dire que les puissantes familles locales ont reconnu la supériorité des souverains installés dans le bassin de Nara et ses environs, ancêtres de la maison impériale. La revendication d'une origine divine, l'ordre de la grande déesse Amaterasu, l'utilisation d'un personnel d'immigrés coréens aptes à transmettre les arts, les techniques et les lettres de la Chine, et capables de donner à cette cour une réelle supériorité culturelle, figurent parmi les facteurs qui expliquent sa position hors de pair. Elle vit des revenus de domaines et, pour le reste, laisse les grandes familles qu'elle a dotées de titres vivre, elles aussi, de leurs terres et présider à la vie d'une grande partie du pays. Au début du viie siècle, la Chine, réunifiée sous la dynastie des Sui auxquels succèdent bientôt les Tang, présente un modèle fort différent : État centralisé, administré selon des normes uniformes par un corps de fonctionnaires recrutés par concours. Or, au Japon, les moines et certains grands constituent un groupe capable de connaître et d'appliquer les exemples chinois. La vie de la cour a toujours été agitée par les querelles de factions auxquelles sont mêlés les princes de la maison impériale ; depuis la fin du vie siècle, les Soga, protecteurs des immigrés et du bouddhisme, artisans de l'ébauche de sinisation, dominent la cour. En 645, un complot, ourdi par Nakatomi no Kamatari et le prince Nakanoōe, aboutit à la chute des Soga, au remplacement de l'empereur et à la désignation comme prince héritier de Nakanoōe. Ce nouveau groupe dirigeant entreprend alors, avec l'aide de lettrés revenus de Chine, de remodeler le Japon. On adopte, à la mode chinoise, le nom d'ère de Taika (Grande Réforme), et, pendant quatre ans, de 645 à 649, divers textes législatifs sont promulgués. Les mesures de 645 sont surtout des mesures de circonstance : envoi de délégués de la cour dans l'Est, collecte des armes, inspection des temples. Celles de 646, elles, sont vraiment l'amorce d'une nouvelle organisation administrative, agraire et fiscale : suppression de tous les domaines, y compris ceux de la maison impériale, confection de registres d'état civil et du cadastre, organisation d'un système fiscal simple et uniforme, les taxes étant assises sur des lots égaux maintenus tels par des réajustements périodiques, organisation de provinces et de districts, refonte du système des rangs et création — mais sur ce point il y a peu de détails — d'une administration. L'interprétation de ces textes est délicate. Certains, forçant quelque peu le sens et ne craignant pas l'anachronisme, veulent y voir la volonté affirmée de la maison impériale de s'établir seule propriétaire de toutes les terres et de tous les hommes, une sorte de nationalisation, au détriment des anciens puissants locaux. Ces familles ne sont nullement spoliées mais intégrées dans un nouveau système, de forme bureaucratique, établi sur le prestigieux modèle continental, système qui demande une fiscalité régulière, ce qui explique les mesures relatives à la terre et aux hommes. L'application n'est pas immédiate mais se poursuit durant la fin du viie siècle, non qu'elle rencontre de notables résistances, mais parce qu'elle demande un personnel abondant, une expérience des formes de l'administration chinoise qui ne peuvent se constituer que progressivement. Les codes, rédigés un peu plus tard, modifient sur certains points les décrets de 645 et surtout organisent de façon plus complète et systématique ce que les historiens japonais nomment l'« État régi par les codes ».

— Francine HÉRAIL

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Écrit par

  • : maître assistant à l'Institut national des langues et civilisations orientales, professeur délégué

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