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RÉFORME

Les Réformes zwinglienne et bucérienne

À côté de Wittenberg, Zurich et Strasbourg devinrent très rapidement deux autres pôles importants de la Réforme, avec Zwingli et Bucer, lesquels ont exercé sur les communautés urbaines de la haute Allemagne et de la Suisse une autorité spirituelle qui éclipsa celle de Luther lui-même. Leur théologie a été influencée de façon décisive, en particulier à propos de la doctrine de l'État et de celle de l'eucharistie, par l'existence de la communauté urbaine. Il s'agit donc d'une Réforme adaptée aux villes et marquée par une tonalité bibliste et humaniste. La Réforme suisse fut à la fois la réalisation, sur le plan théologique, d'un évangélisme fort proche d'Érasme et, sur le plan ecclésiastique, d'une organisation et d'un culte qui reprennent les simplifications radicales de Karlstadt.

À Zurich, la Réforme fut essentiellement l'œuvre d'Huldrych Zwingli, curé de la cathédrale. À la différence de Luther, il admirait les philosophes de l'Antiquité et se souciait plus de la prédestination que de la justification par la foi ; enfin, plus rationaliste que mystique, il faisait du baptême et de la cène des cérémonies symboliques, alors que les partisans de Luther les regardaient comme des sacrements ; cela rendit impossible toute entente avec les Allemands. Enfin, Zwingli était un radical et un activiste dans la réforme des organismes religieux et des pratiques de dévotion. Il s'agissait en fait d'une théologie adaptée aux villes, ce qui explique qu'elle se soit rapidement répandue dans l'espace urbain alémanique, suisse et germanique.

À partir de 1519, il glissa peu à peu vers la Réforme et entraîna progressivement la ville avec lui. En 1523, le Conseil de Zurich organisa une première dispute de théologiens. Zwingli rédigea soixante-sept thèses qui étaient caractérisées par un christocentrisme radical teinté de spiritualisme, et qui servirent de base aux discussions. À la suite de la dispute, le magistrat adopta le programme réformateur. Une seconde dispute se limita au problème des images et de la messe. Ces disputes allaient devenir, pendant une douzaine d'années, le modèle pour une bonne trentaine de villes allemandes et suisses, sous l'impulsion soit de Zwingli lui-même, soit de l'exemple de Berne, qui a passé à la Réforme de cette manière. Zwingli s'entoura peu à peu d'une équipe de théologiens de valeur (Megander, Jud et Myconius) ; avec l'appui du magistrat, il fit séculariser les couvents (1524) et créa une école d'exégèse biblique (Prophezei). En 1525, la messe fut supprimée et remplacée par un culte très dépouillé. En même temps fut créé un tribunal matrimonial qui étendit rapidement sa compétence à toute la vie morale et sociale des citoyens. L'ecclésiologie aboutit ainsi à un césaropapisme. Cette alliance étroite avec l'État zurichois fut confirmée par la crise anabaptiste, au cours de laquelle Zwingli eut recours aux autorités civiles pour faire condamner et même noyer les dissidents.

Le réformateur de Zurich s'efforça rapidement d'amener toute la Suisse à la Réforme, mais son audience ne progressa que lentement, et surtout il se heurta à de vives réactions dans les cantons primitifs, régions montagneuses et pauvres qui, détournées de la Réforme par l'aspect politique et social qu'elle prit dans la cité de Zwingli, organisèrent une ligue destinée à écarter Zurich de la diète suisse. En 1526, la dispute de Baden, où l'Église romaine envoya ses meilleurs polémistes, en particulier Murner et Jean Eck, se termina par la victoire des catholiques ; la diète somma Zurich d'abandonner Zwingli, qui venait d'être excommunié.

Le sort de la Réforme était alors précaire en Suisse. Mais, en 1527, des élections permirent[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur d'histoire de l'Alsace à l'université de Strasbourg-II

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1500 à 1600. Expansion ibérique et Réforme - crédits : Encyclopædia Universalis France

1500 à 1600. Expansion ibérique et Réforme

Luther - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Luther

Jean Calvin - crédits : Imagno/ Getty Images

Jean Calvin

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    • 576 mots

    Troisième fils du margrave d'Ansbach en Franconie, Albert de Brandebourg est destiné à une brillante carrière ecclésiastique. Dès l'âge de seize ans, il devient chanoine à Cologne, ce qui ne l'empêche pas de participer en 1508 à une campagne militaire de l'empereur Maximilien en Italie....

  • ALBERT DE HOHENZOLLERN (1490-1545) électeur de Mayence (1514-1545)

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    Auteur indirect de la Réforme, le prince Albert de Hohenzollern est le type même de l'évêque humaniste et mondain, plus soucieux de politique que de pastorale. Frère de l'Électeur de Brandebourg, il devient, grâce à la politique dynastique qui vise à faire de Magdebourg un apanage...

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