RÉFORME
La Réforme anglicane
À la différence des autres Réformes entreprises par des hommes d'Église et des théologiens de large envergure, la Réforme anglicane fut préparée, instaurée et rétablie, en trois temps, sous les auspices de la monarchie. L'œuvre des souverains, inspirée par le désir de subordonner la vie ecclésiastique aux intérêts de l'État, n'aurait d'ailleurs pas survécu si la papauté n'avait été auparavant profondément déconsidérée dans les îles Britanniques. En 1527, le roi Henri VIII, qui avait écrit contre Luther, voulut faire annuler par Rome son mariage avec Catherine d'Aragon, tante de Charles Quint, en vue d'épouser une dame d'honneur de la reine, Anne Boleyn. Mais il se heurta au refus du pape qui l'excommunia en 1534, ainsi que cette dernière, devenue entre-temps sa femme. Henri VIII fit alors voter trois lois qui constituent l' Acte de suprématie : le pape se voyait privé de tout pouvoir de juridiction sur l'Église d'Angleterre, le roi devenait le « chef suprême sur terre » de celle-ci, et il put faire élire par les chapitres les évêques de son choix. L'application de ces mesures ne rencontra que peu d'opposition ; deux érasmiens, l'ancien chancelierThomas More et l'évêque Fisher, qui s'y opposèrent, furent décapités.
Les monastères furent supprimés au profit de la couronne. La vente de leurs biens donna naissance à une aristocratie terrienne dévouée à la Réforme ; elle suscita néanmoins une insurrection. En 1536, une confession de foi en Dix Articles donna les signes d'un rapprochement avec les luthériens pour des raisons de politique extérieure, mais ce document ambigu ne faisait en réalité que des concessions minimes. Le roi ordonna ensuite à chaque église du royaume de posséder une Bible anglaise. Très vite, cependant, il manifesta un raidissement théologique : la loi des Six Articles (1539), le « fouet à six cordes », soutenait le dogme de la transsubstantiation, niait la nécessité de la communion sous les deux espèces, interdisait le mariage des prêtres et maintenait les messes privées et la confession auriculaire. Le King's Book de 1543 était résolument antiprotestant. Sur les plans religieux et théologique, Henri VIII s'est toujours défendu de rompre avec le catholicisme. Son anglicanisme n'était guère qu'un gallicanisme radical fondé sur une assise nationale indépendante. Les initiatives contradictoires du roi avaient déçu aussi bien ceux qui restaient fidèles à Rome que les adeptes de l'Évangile.
Les deux « protecteurs » de son successeur Édouard VI (1547-1553), qui n'avait que neuf ans à son avènement, instaurèrent un protestantisme plus affirmé. Somerset, partisan d'un luthéranisme modéré, fit abroger les Six Articles, adoucit le sort des catholiques, abolit la loi sur les hérétiques et fit publier un Prayer Book qui conservait la plus grande partie de la liturgie traditionnelle. Warwick, qui renversa et fit exécuter Somerset, se rapprocha davantage de Calvin. En 1552, parut un second Prayer Brook, assez apparenté à la théologie de Bucer. Puis fut promulguée une nouvelle confession de foi en Quarante-Deux Articles, voisine de la théologie des réformés suisses. Le Parlement vota la « combustion » des anciens livres liturgiques et la destruction des images et statues, opération qui fit disparaître de nombreuses œuvres d'art. La mort d'Édouard VI amena au pouvoir sa demi-sœur, Marie Tudor (1553-1558) ; catholique fervente, elle réconcilia son royaume avec Rome et engagea une persécution qui lui valut le surnom de Marie la Sanglante et qui fit 280 martyrs, dont Thomas Cranmer, l'archevêque de Canterbury. Cette répression contribua à développer chez les Anglais un antipapisme tenace.
À la mort de Marie Tudor, Élisabeth, fille d'Anne[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Bernard VOGLER : docteur ès lettres, professeur d'histoire de l'Alsace à l'université de Strasbourg-II
Classification
Médias
Autres références
-
ALBERT DE BRANDEBOURG (1490-1568) premier duc de Prusse (1525-1568)
- Écrit par Bernard VOGLER
- 576 mots
Troisième fils du margrave d'Ansbach en Franconie, Albert de Brandebourg est destiné à une brillante carrière ecclésiastique. Dès l'âge de seize ans, il devient chanoine à Cologne, ce qui ne l'empêche pas de participer en 1508 à une campagne militaire de l'empereur Maximilien en Italie....
-
ALBERT DE HOHENZOLLERN (1490-1545) électeur de Mayence (1514-1545)
- Écrit par Bernard VOGLER
- 318 mots
Auteur indirect de la Réforme, le prince Albert de Hohenzollern est le type même de l'évêque humaniste et mondain, plus soucieux de politique que de pastorale. Frère de l'Électeur de Brandebourg, il devient, grâce à la politique dynastique qui vise à faire de Magdebourg un apanage...
-
ALLEMAGNE (Histoire) - Allemagne du XVIe et du XVIIe s.
- Écrit par Georges LIVET
- 6 508 mots
- 7 médias
-
ALSACE
- Écrit par Encyclopædia Universalis , Françoise LÉVY-COBLENTZ et Raymond WOESSNER
- 6 484 mots
- 2 médias
...de la société en général et du clergé en particulier. Quelque chose s'ébranle dans l'édifice rigide que la scolastique du Moyen Âge avait cru immuable. Strasbourg est prête à recevoir les premiers messages de Luther (1517) et bien d'autres villes après elle, dont Mulhouse et Wissembourg. Dès 1519, les... - Afficher les 107 références