RÉFUGIÉS
Article modifié le
Les bénéficiaires du statut
Définition du réfugié
Les intentions humanitaires des États à l'origine de la convention de 1951 n'ont pas abouti à protéger toutes les personnes contraintes à l'exil. Par un jeu savant de clauses d'inclusion, d'exclusion et de cessation, la convention limite le bénéfice du statut à une certaine catégorie de réfugiés : les réfugiés politiques.
Ont droit au bénéfice du statut, tout d'abord, les personnes déjà qualifiées de réfugiés par les conventions antérieures à 1951. Y ont également droit les personnes qui se trouvent hors du pays dont elles ont la nationalité ou sur le territoire duquel elles ont leur résidence habituelle et ne peuvent ou ne veulent, pour des raisons légitimes, se réclamer de la protection de ce pays, par crainte d'y être persécutées du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques.
En d'autres termes, pour obtenir la reconnaissance du statut de réfugié, quatre conditions différentes sont requises du demandeur : qu'il ait franchi une frontière ; qu'il ait été persécuté ou qu'il ait des raisons fondées de croire qu'il le sera ; que cette persécution porte atteinte à ses droits fondamentaux ; qu'il ne puisse, de ce fait, se réclamer de la protection de l'État dont il porte la nationalité ou sur le territoire duquel il a sa résidence ordinaire.
Une décision positive (dite d'éligibilité) est donc nécessaire pour que le réfugié soit formellement reconnu comme tel. Cette décision émane normalement des autorités administratives de l'État sur le territoire duquel pénètre le prétendant au statut ; il peut arriver, quoique de moins en moins fréquemment, que l'État en cause confie cette compétence à un représentant du HCR : la décision d'éligibilité présente alors toutes les garanties d'impartialité nécessaires. Il faut, en effet, insister sur le fait que cette décision suppose une appréciation du caractère fondé ou non de la crainte de persécution avancée par le demandeur pour justifier sa prétention à obtenir le bénéfice du statut. Malgré l'existence de normes de références, on conçoit aisément le caractère délicat, et souvent conflictuel, d'une décision positive et les conséquences dramatiques que peut avoir une décision négative, surtout lorsqu'elle est erronée.
La convention de 1951 avait prévu un autre barrage à l'entrée des personnes en quête de refuge. Le bénéfice du statut était en effet réservé aux personnes qui pouvaient craindre légitimement d'être persécutées par suite d'événements survenus avant le 1er janvier 1951. Cette limitation s'explique par la croyance dans le caractère résiduel du problème des réfugiés, et sans doute également par le souci des États de limiter leur engagement pour l'avenir. Elle a été supprimée par le protocole du 31 janvier 1967 pour les États ayant accepté ce nouveau texte. Au surplus, en 1951, les États pouvaient restreindre leur engagement à l'Europe, en choisissant entre les deux interprétations proposées par la convention des termes « événements survenus avant le 1er janvier 1951 » : selon la première, il s'agissait d'événements survenus « en Europe » ; selon la seconde, d'événements survenus « en Europe ou ailleurs ».
La décision d'éligibilité présente une grande importance pratique : c'est d'elle que dépend le bénéfice effectif du statut de réfugié. Elle est réservée aux réfugiés susceptibles d'être persécutés pour les raisons susmentionnées. Mais ceux-là ne sont pas les seuls à avoir besoin de protection ou d'assistance. Dès lors, l'un des problèmes majeurs, aujourd'hui, est de savoir comment étendre cette protection conséquente à la décision d'éligibilité à des personnes qui ne peuvent normalement prétendre à celle-ci.
Personnes déplacées et quasi-réfugiés
L'Assemblée générale de l'ONU a très vite aperçu les limites du mandat du haut-commissaire, compétent pour les seuls réfugiés stricto sensu. Elle a donc autorisé – et même invité – le HCR à user de ses « bons offices » dans certaines circonstances où celui-ci ne pouvait pas intervenir sur la base des instruments internationaux traditionnels. Progressivement, l'Assemblée en est venue à utiliser dans ses résolutions la terminologie complexe mais pleine de sens de « réfugiés et personnes déplacées », reconnaissant par là qu'il était nécessaire, dans certaines situations, d'étendre la protection internationale à de nouvelles catégories de migrants.
L'une de ces catégories est très certainement composée par les personnes qui fuient les situations de guerre ou de violence, qui relèvent habituellement des conventions de Genève du 12 août 1949 et de leurs protocoles additionnels du 8 juin 1977. Il est maintenant très largement admis, à la suite notamment de la convention africaine de 1969, que ces « réfugiés de guerre » peuvent être assimilés aux réfugiés stricto sensu. Or c'est là une extension importante, si l'on considère que les guerres ou conflits armés de toute nature sont devenus l'une des toutes premières causes des exodes massifs.
En fait, l'un des efforts des organisations ou autorités internationales compétentes est d'étendre la protection traditionnellement accordée aux réfugiés à toutes les personnes qui en ont besoin. Le comité exécutif du HCR a ainsi défini des « normes minimales humanitaires de base » que, selon lui, il est nécessaire d'appliquer dans les principales circonstances vécues par les demandeurs d'asile (conclusion no 22, 1981). Le Conseil de l'Europe a, pour sa part, imaginé le concept de « réfugié de facto », qui recouvre la situation des personnes qui remplissent les conditions exigées par la convention de 1951 pour bénéficier du statut et qui, pour une raison quelconque, ne peuvent ou ne veulent pas entreprendre la procédure de l'éligibilité.
L'Organisation des États américains a également prévu, en 1985, l'élargissement de la protection internationale à des personnes qui n'ont cependant pas droit au statut. Les deux cas extrêmes de ce mouvement d'extension sont sans doute ceux où la protection internationale est accordée avant même l'exode (arrangement conclu en 1979 entre le HCR et le Vietnam pour faciliter le départ ordonné des candidats à l'exil) ou après le retour volontaire dans le pays d'origine (dans toutes ces opérations de rapatriement volontaire, le HCR est amené à exercer une certaine surveillance alors que le réfugié est revenu dans son pays).
Il reste que, si ces quasi-réfugiés ou nouveaux réfugiés ont été admis au bénéfice d'une protection internationale minimale, il n'en va pas nécessairement ainsi pour toutes les personnes contraintes à l'exil. Le migrant économique, qui recherche à l'étranger un travail qu'il n'a pas dans son pays d'origine, ou qui attend de son exil de meilleures conditions de vie, ne peut prétendre au bénéfice d'une protection internationale : il continue en effet de bénéficier de la protection de l'État dont il a la nationalité. Les pays riches veillent soigneusement à ce qu'il n'y ait, sur ce point, aucun détournement de la réglementation internationale.
Les différentes catégories de réfugiés
Il n'est pas possible de réserver un traitement identique, et donc d'appliquer les mêmes règles, aux différentes catégories de réfugiés. Certaines ont un besoin accru de protection ou d'assistance. C'est notamment le cas des femmes réfugiées qui, outre les souffrances du déracinement, sont souvent victimes d'agressions, de viols ou encore contraintes à la prostitution. Le problème est d'autant plus grave que les femmes constituent la majorité de la population réfugiée. Des programmes spéciaux de protection ont été prévus à leur intention, et il a été admis que les femmes victimes de traitements cruels et inhumains pour avoir « transgressé les coutumes de la communauté où elles vivent » et, de ce fait, en quête d'asile pouvaient être considérées pour cela comme entrant dans la définition générale du réfugié (conclusion du comité exécutif no 39, 1985). Les enfants réfugiés posent également des problèmes spécifiques, en particulier lorsqu'ils ne sont pas accompagnés par leurs parents : la preuve de l'état civil est souvent difficile à rapporter et, selon le comité exécutif encore (conclusion no 24, 1981), il convient de tout faire pour retrouver la famille proche avant que ne soit envisagée l'adoption, c'est-à-dire la rupture avec la famille naturelle.
Les circonstances de l'exil peuvent également impliquer un traitement différent. Ainsi, les personnes en quête d'asile en détresse en mer ( boat people) ont posé de redoutables problèmes, notamment en Asie du Sud-Est. Les réfugiés de la mer de Chine en provenance du Vietnam ont attiré sur eux l'attention de l'opinion mondiale à la fois par l'ampleur (près d'un million de personnes) et les circonstances particulièrement dramatiques de leur exode. Au-delà des préoccupations d'ordre humanitaire, fondamentales en l'occurrence, le problème posé par cette catégorie de personnes en quête d'asile est le résultat de la confrontation de nécessités contradictoires. Le sauvetage en mer, en pratique souvent nécessaire, s'effectue conformément aux droit et usages maritimes. De la sorte, ce sont souvent plusieurs États qui sont concernés par le sort des boat people : l'État d'origine, l'État du pavillon, l'État où le navire effectue sa première escale à la suite du sauvetage et, le cas échéant, l'État qui offre une possibilité de réinstallation. Cette pluralité favorise à l'évidence les pratiques restrictives, et spécialement le refus d'admission sur le territoire de l'État où le demandeur d'asile tente de pénétrer après avoir été recueilli. Les cas extrêmes de refus de sauvetage en mer, humainement et juridiquement condamnables, tiennent à cet enchevêtrement de responsabilités.
On signalera enfin le cas, souvent dramatique, des « réfugiés sans pays d'asile » ou « réfugiés en orbite ». On considère généralement que la personne en quête d'asile doit demander le bénéfice du statut de réfugié à l'État sur le territoire duquel elle pénètre en provenance directe de son pays d'origine. Lorsque cela n'est pas possible, voire en cas de refus de la demande, si le candidat à l'asile s'adresse à un autre État, celui-ci estimera souvent que la situation ne relève pas de sa responsabilité, mais de celle de l'État primitivement saisi. Le réfugié est alors sans pays d'asile...
Accédez à l'intégralité de nos articles
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre BRINGUIER : maître de conférences à l'université de Clermont-I, secrétaire général de l'Institut français de droit humanitaire et des droits de l'homme
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Médias
Autres références
-
AFGHANISTAN
- Écrit par Daniel BALLAND , Gilles DORRONSORO , Encyclopædia Universalis , Mir Mohammad Sediq FARHANG , Pierre GENTELLE , Sayed Qassem RESHTIA , Olivier ROY et Francine TISSOT
- 37 323 mots
- 19 médias
...occidentale, Amérique du Nord, Australie), le gros de l'émigration s'est toutefois dirigé préférentiellement vers les pays bordiers à forte affinité culturelle : l'Iran a accueilli jusqu'à trois millions de réfugiés, et le Pakistan cinq autres millions ; de 2002 à 2006, un ambitieux programme de rapatriement... -
AFRIQUE (Structure et milieu) - Géographie générale
- Écrit par Roland POURTIER
- 24 463 mots
- 27 médias
L'Afrique est en effet le théâtre d'importantes mobilités sous contrainte, conséquence des guerres qui s'y déroulent.Le nombre de réfugiés et autres personnes déplacées fluctue selon le contexte politique ; celui des réfugiés a atteint un pic en 1994 en raison de la violence du conflit rwandais :... -
AFRIQUE (Histoire) - Les décolonisations
- Écrit par Marc MICHEL
- 12 429 mots
- 24 médias
...exodes vers le Congo-Léopoldville (150 000 à 200 000 personnes en 1961, plus tard 400 000, ce qui constitue peut-être le premier exemple d'exodes massifs de réfugiés en Afrique tropicale). Une guerre de treize ans commença, qui ne se limita pas à l'Angola ; deux ans plus tard, le P.A.I.G.C. (Partido africano... -
AFRIQUE AUSTRALE
- Écrit par Jeanne VIVET
- 6 102 mots
- 5 médias
...crise pour nombre de populations africaines. Elle est tout à la fois terre d’exil, de transit et d’installation. C'est ainsi qu'on observe l'afflux de réfugiés originaires de la région des Grands Lacs (notamment de Congolais, de Burundais et de Rwandais) et de la Corne de l'Afrique (Somaliens, Érythréens),... - Afficher les 75 références
Voir aussi
- MIGRANTS
- ÉTRANGERS & APATRIDES
- ASILE DROIT D'
- SDN (Société des nations)
- EUROPE, histoire
- MIGRATIONS HISTOIRE DES
- DÉPORTATIONS & TRANSFÈREMENTS DE POPULATIONS
- BALKANIQUES GUERRES (1912-1913)
- EXODE DE POPULATIONS
- REFOULEMENT & EXPULSION
- ASSIMILATION AU NATIONAL
- PALESTINIENS
- PASSEPORT NANSEN
- ÉMIGRATION RUSSE
- ASSISTANCE SYSTÈMES D'
- FEMMES DROITS DES
- CONFLIT ARMÉ
- ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES NATIONS UNIES
- PROTECTION DE L'ENFANCE
- BOAT PEOPLE
- GENÈVE CONVENTION DE (28 juill. 1951)
- PERSONNES DÉPLACÉES