- 1. La fin sans gloire de la IIIe République
- 2. L'instauration d'un nouveau régime
- 3. La « Révolution nationale » : une révolution culturelle
- 4. La répression, caractéristique inhérente à la « Révolution nationale »
- 5. La coupure de novembre 1942 et les pièges de la collaboration d'État
- 6. Les soutiens du régime et les ambivalences de l'opinion publique
- 7. La fin pitoyable d'un régime policier
- 8. Les mémoires du régime de Vichy
- 9. Bibliographie
VICHY RÉGIME DE
La coupure de novembre 1942 et les pièges de la collaboration d'État
Bon gré mal gré, le régime de Vichy se vit contraint de cohabiter, vivre, négocier avec un occupant. Tout en bénéficiant d'un statut quasi unique dans l'Europe occupée, puisque la souveraineté française était maintenue sur une fraction du pays alors que celui-ci avait été vaincu, le régime de Vichy allait se retrouver, pour le grand malheur des Français, prisonnier d'un système de relations franco-allemandes singulières et piégées.
La naissance de l'État français comme la collaboration d'État conclue entre le Reich et le régime de Vichy découlent du choix de la signature de l'armistice, qui, à la différence de la capitulation qui aurait pu être envisagée, engageait le pouvoir politique. Pour en terminer immédiatement avec une guerre qu'il considérait comme définitivement perdue, et bien décidé à assumer une relève politique, Philippe Pétain avait accepté une convention d'armistice aux clauses particulièrement exorbitantes, dans le cas où la paix ne serait pas rapidement signée. Or, la résistance des Britanniques, qui, au cours de l'été de 1940, gagnent dans les airs la bataille dite d'Angleterre, incite Hitler à ne pas conclure avec la France une paix séparée.
Alors que faire ? Comment gérer une situation à la fois imprévue et complexe ? Philippe Pétain ne cherche pas à gagner du temps ni à finasser avec Hitler. Après avoir – il est vrai – hésité, il fait le choix décisif de collaborer politiquement avec le Reich. C'est ce que symbolise la rencontre, qui allait stupéfier la majorité des Français, du chef de l'État français avec Hitler en personne, dans la petite ville de Montoire, dans le Vendômois, le 24 octobre 1940. Les hommes de Vichy – à quelques exceptions près – ne s'engagent pas dans la collaboration d'État pour des motifs idéologiques. Ils n'éprouvent en effet que peu de sympathie pour le populisme et la violence nazis. Les choix de l'automne de 1940 répondent avant tout à des calculs ou à des paris géostratégiques. La plupart des responsables vichyssois firent le pari que le Reich sortirait grand vainqueur de l'affrontement. Une stratégie fondamentalement hexagonale leur fait considérer que la guerre est finie pour la France. Bien plus, aussi bien Laval que Darlan – du moins dans un premier temps – ont estimé que la paix allemande serait plus profitable à la France qu'une paix anglaise. C'est pourquoi, ils ont pensé que collaborer politiquement avec l'Allemagne, sans se retrouver en guerre, permettrait à la France d'être bien placée lors du règlement final et, dans le court terme, d'obtenir un allègement substantiel des clauses les plus draconiennes de la convention d'armistice.
Jusqu'en 1942, Vichy disposait d'atouts : sa flotte de guerre et, encore plus, l'Empire qui, à l'exception de l'Afrique-Équatoriale française, de la Nouvelle-Calédonie et d'établissements dans le Pacifique, était demeuré loyaliste. Hitler, qui se défiait du nationalisme français, entendait pratiquer une collaboration vraiment minimale. Mais il estimait préférable de laisser la France défendre ses propres possessions, notamment sur le pourtour méditerranéen. Jusqu'à la fin de 1941, les Français firent preuve de beaucoup de bonne volonté, notamment lors des « Protocoles de Paris » paraphés en mai 1941 (qui autorisaient le Reich à utiliser sous certaines conditions des bases de l'Empire français), dans la mise en œuvre d'une collaboration politique, sans obtenir pour autant de véritables concessions politiques ni d'améliorations notables dans la vie quotidienne du Français moyen.
La coupure décisive, à bien des égards, est le succès de l'opération Torch, les 7 et 8 novembre 1942,[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre AZÉMA : professeur des Universités à l'Institut d'études politiques de Paris
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Médias
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