Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

RÉGIME PRÉSIDENTIEL

La pratique politique

C'est évidemment aux États-Unis qu'il faut rechercher la pratique politique du régime présidentiel la plus significative. Elle a abouti à des résultats très différents de ceux que les schémas juridiques semblaient postuler, et cela non parce que les dispositions constitutionnelles auraient été méconnues, mais simplement parce que l'idéal de la séparation des pouvoirs a été affronté aux nécessités du gouvernement d'une grande puissance mondiale et à un système de partis qui est à la fois la conséquence du système juridique et son facteur principal d'inflexion.

Le concert des pouvoirs

Il va de soi que la direction de l'État ne peut être assurée par un législatif et un exécutif agissant de manière vraiment indépendante chacun dans son domaine. Pour ne prendre que deux exemples, on ne conçoit pas comment un budget qui est l'expression des besoins financiers de l'administration pourrait être préparé autrement que par celle-ci qui, seule, dispose des informations nécessaires, ni comment un programme législatif ne serait pas, pour sa plus grande partie, d'origine gouvernementale, alors que les lois sont des moyens d'action pour la politique gouvernementale. Aussi ne faut-il pas s'étonner de ce que le président ait, par des biais divers, conquis l'initiative législative et l'initiative budgétaire. Outre le procédé simple qui consiste à faire passer par le canal d'un sénateur ou d'un représentant fidèle les projets de loi dont le président veut assurer le dépôt, les messages annuels du président « sur l'état de l'Union », prévus par la Constitution, s'accompagnent d'un programme législatif en bonne et due forme.

Symétriquement, le Congrès, s'il n'a jamais obtenu ni même recherché le pouvoir de renverser les ministres, a établi un système de contrôle très poussé sur l'exécutif par le biais de ses commissions. Usant de leur pouvoir d'investigation et profitant largement de la publicité faite à leurs activités, les commissions ont multiplié les convocations de fonctionnaires et de personnalités diverses devant elles, usant à cette fin de pouvoirs quasi judiciaires. Le résultat est une critique incessante, active et parfois retentissante des actions du président et de ses ministres ou collaborateurs.

Il faut en effet saisir le fait que, en dépit de la séparation des pouvoirs proclamée, le président et le Congrès possèdent l'un sur l'autre de très puissants moyens de pression. Une opposition systématique du Congrès au président pourrait priver celui-ci des moyens financiers et de la législation nécessaires à la conduite de sa politique ; le Sénat pourrait empêcher les nominations de ministres et d'agents fédéraux désirées par le président. Encore que la pratique des « accords exécutifs » permette à celui-ci de conclure nombre d'accords internationaux en évitant la forme de traité, le Sénat tient de son pouvoir de ratification des traités un moyen d'influence important.

De son côté, le président puise dans son pouvoir de veto à l'égard des lois votées par le Congrès, et dont il n'hésite pas à user (en douze ans, F. D. Roosevelt s'en servit plus de six cents fois), un moyen de pression sérieux. Mais surtout, l'étendue de ses attributions, sa qualité de chef de l'administration fédérale mettent dans ses mains postes et crédits dont il use pour se concilier le soutien des membres du Congrès.

Ainsi s'institue un énorme système de compromis et de marchandages entre la Maison-Blanche et le Capitole qui, par-delà l'officielle séparation des pouvoirs, constitue ce « parlementarisme de couloirs », dans lequel W. Wilson voyait l'essentiel de la réalité politique américaine. Malgré son caractère partiellement occulte, malgré l'intervention des [...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-II et à l'Institut d'études politiques, ancien président du Conseil constitutionnel

Classification

Autres références

  • CINQUIÈME RÉPUBLIQUE - La période gaullienne (1958-1969)

    • Écrit par
    • 8 909 mots
    • 15 médias
    Le texte constitutionnel traite en premier lieu – et c'est significatif par rapport à la Constitution de 1946 –du président de la République et non pas du Parlement. Le terme « arbitre » employé à l'article 5 pour définir son rôle a beaucoup été commenté. Le président doit-il être un arbitre...
  • CONSTITUTION FRANÇAISE DE 1791

    • Écrit par
    • 487 mots

    Première constitution écrite de France, la Constitution du 3 septembre 1791 inclut la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. C'est dire qu'elle incarne les idéaux de la Révolution dans leur forme originelle. Rédigée par l'Assemblée nationale constituante,...

  • CONSTITUTION DE LA Ve RÉPUBLIQUE (France)

    • Écrit par
    • 3 433 mots
    • 4 médias
    Cela est particulièrement vrai sous la Ve République en raison de la place éminente qu'elle accorde au chef de l'État. Significativement, le Premier ministre doit sa place (et la conservation de celle-ci) davantage au président qu'à l'Assemblée nationale : il n'est arrivé qu'une seule fois que le...
  • CONVENTION ÉLECTORALE AMÉRICAINE

    • Écrit par
    • 707 mots

    Aux États-Unis, la convention est le congrès d'une organisation, par exemple un parti politique. Les deux grands partis nationaux (le Parti républicain et le Parti démocrate) sont en fait composés d'une multitude de partis locaux qui ont leurs intérêts et leur vie propres. C'est ainsi que, au niveau...

  • Afficher les 27 références