RÉGIME PRÉSIDENTIEL
Régime présidentiel et régime parlementaire
Une des idées les plus répandues dans le public, même politiquement cultivé, est que, par opposition au régime parlementaire, le régime présidentiel conférerait à l'exécutif incarné dans le président une sorte de toute-puissance, ce qui conduit souvent à mettre en cause le caractère démocratique de ce régime.
L'exemple américain, auquel il faut toujours revenir, prouve cependant le contraire. Sans doute le président des États-Unis est-il la pièce maîtresse du système politique et ses pouvoirs sont-ils très importants. Mais ils se trouvent à la fois limités et contrôlés, et cela pour deux raisons essentielles (même si l'on fait abstraction du fédéralisme) : tout d'abord les Chambres demeurent détentrices exclusives du pouvoir législatif et du pouvoir budgétaire sans que le président puisse se passer d'elles et sans qu'il puisse les contraindre à s'incliner devant lui ; d'autre part, la faiblesse du système de partis dont peut se contenter un régime présidentiel, dans lequel le soutien quotidien de l'Assemblée au cabinet n'est pas nécessaire, ne met pas à la disposition du président la mécanique d'un parti discipliné. « Si le régime présidentiel aboutit à un gouvernement stable, il n'aboutit pas nécessairement à un gouvernement fort » (M. Duverger).
Paradoxalement, la situation d'un Premier ministre dans un régime parlementaire de type britannique apparaît comme plus forte que celle du chef de l'État en régime présidentiel. La raison en est que le véritable two-party system, dont la Grande-Bretagne offre le modèle, a pour effet de conférer au parti victorieux aux élections législatives un mandat qu'il exerce en divisant son travail politique en deux formations qui ont pour chef unique le Premier ministre : le gouvernement et la majorité parlementaire ne sont que deux « sections » du parti au pouvoir. En fait, toute séparation traditionnelle des pouvoirs est abolie dans un tel régime puisque l'exécutif et la majorité du législatif sont indissolublement liés. La responsabilité du gouvernement devant la Chambre des communes n'a pas conduit à une crise ministérielle depuis plus de quarante ans : c'est devant le corps électoral, et devant lui seulement, que Premier ministre et parti majoritaire sont responsables. La véritable « séparation » n'est pas entre exécutif et législatif, mais entre pouvoir et opposition ; l'importance de la Chambre des communes tient principalement à ce qu'elle est la tribune de l'opposition ; la démocratie est assurée non par le risque des crises ministérielles provoquées par le Parlement, mais par les chances intactes que l'opposition a de ravir le pouvoir à la majorité lors d'élections générales.
De ces constatations certains auteurs ont déduit une théorie qui serait en gros la suivante : le régime parlementaire, par-delà toutes les théories politico-juridiques qui ont accompagné sa lente évolution, se ramène tout simplement aujourd'hui au gouvernement d'un parti en présence de l'opposition d'un autre parti et sous l'arbitrage périodique de la nation ; il suppose un système de partis simple et rigoureux. Au contraire, le régime présidentiel, en prémunissant l'exécutif contre l'instabilité, en assurant l'équilibre et le dialogue de l'exécutif et du législatif, est en lui-même moins simple et peut-être moins efficace que le régime parlementaire, mais il est mieux adapté aux pays qui ne peuvent se donner un véritable two-party system, en raison de la complexité de leurs structures d'opinion. C'est pourquoi certains pensent que les institutions françaises devraient s'inspirer davantage de l'exemple américain, bien compris, plutôt que de l'exemple anglais.[...]
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Écrit par
- Georges VEDEL : professeur à l'université de Paris-II et à l'Institut d'études politiques, ancien président du Conseil constitutionnel
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