LAURENTIENNE RÉGION
L'ensemble de terres basses qui va s'élargissant depuis l'estuaire du Saint-Laurent jusqu'à la plaine de Montréal constitue la région laurentienne. Lieu privilégié de l'établissement français au Nouveau Monde et berceau d'une civilisation rurale, base économique de l'État québécois et prolongement septentrional des concentrations industrielles et urbaines des Grands Lacs et de la Nouvelle-Angleterre, cette région présente le caractère spécifique d'un pays francophone d'économie nord-américaine. Du fait de sa relative autonomie culturelle, elle possède des traits originaux qu'il importe de faire ressortir ; mais le paysage laurentien est bien un paysage nord-américain où se posent, dans toute leur acuité, les grands problèmes de la civilisation urbaine du Nouveau Monde.
Lorsque l’explorateur Jacques Cartier remonte le Saint-Laurent en 1535, le territoire est occupé par une mosaïque de nations autochtones, qui partagent sensiblement la même langue et le même mode de vie sédentaire. Les Iroquoiens du Saint-Laurent sont des horticulteurs sédentaires qui habitent des villages situés sur des terrasses et coteaux, en retrait du fleuve. Ils auront mystérieusement disparu lors de l’établissement de Champlain à Québec en 1604, victimes probables des maladies transmises par les Européens et des guerres livrées par des groupes extérieurs. Des années qui ont suivi, l'histoire se souvient surtout de la victoire de James Wolfe (1759) qui faisait passer la colonie française du Saint-Laurent sous l'autorité britannique ; la géographie en retient l'idée d'une continuité liée à la permanence d'une organisation sociale et territoriale. En effet, la guerre de conquête est, d'abord, un événement européen. Et, c'est là sans doute le paradoxe du développement québécois, cette conquête n'a eu de véritables conséquences sur le territoire qu’à partir des années 1830, alors que s’accentue la pression démographique créée par l’installation de nombreux réfugiés des colonies américaines restés fidèles à la Couronne et celle d’autres immigrants britanniques sur les pourtours de la vallée laurentienne. De nombreux villages apparaissent et les industries rurales se multiplient. Québec et Montréal, peuplées d'environ 50 000 habitants en 1760, en comptent un demi-million en 1850. Après la révolution américaine, la première est devenue la capitale des possessions britanniques en Amérique, alors que se confirmait le rôle de la seconde comme tête de pont vers l’intérieur du continent. À l’aube de la Confédération canadienne (1867), Montréal a une longueur d’avance sur Québec, tant au plan démographique qu’économique.
Homogène par sa population, homogène encore par sa structure agraire, la région laurentienne offrait, au milieu du xixe siècle, le spectacle d'une région naturelle idéalement simple, hormis Québec et Montréal où les francophones ne représentaient à l’époque que moins de la moitié de la population. Mais des changements importants se profilent dès lors, avec la construction de nouvelles infrastructures de transport qui favorisent la croissance de petites et moyennes villes et le développement de l’industrie. La fonction spécifique de la plaine laurentienne apparaît vite comme étant celle de la production de biens de consommation, tandis que la région ontarienne des Grands Lacs, plus tardivement peuplée mais rapidement industrialisée, s'impose comme productrice de biens d'équipement. En effet, bien que sa position maritime, renforcée encore par les travaux de canalisation du Saint-Laurent, lui vaille des activités obligatoires et importantes au chapitre des transports, c'est à sa population, à sa main-d'œuvre abondante et peu exigeante que la région laurentienne doit son industrie et non pas, comme on le croit parfois, à son fleuve.[...]
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Écrit par
- Marcel BÉLANGER : professeur à l'université de Montréal, Québec (Canada)
- Anne GILBERT : professeure émérite, département de géographie, université d'Ottawa, Ontario (Canada)
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