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REINMAR DE HAGUENAU (1170 env.-env. 1208/1209)

Nous ignorons pratiquement tout de la vie de Reinmar l'Ancien, que Gottfried de Strasbourg surnomme « le rossignol de Haguenau ». On pense qu'il est né vers 1170, et on a de bonnes raisons de situer sa mort vers 1208-1209. Si Reinmar a passé la plus grande partie de sa vie à Vienne, à la cour des ducs d'Autriche, les Babenberg, on doute aujourd'hui qu'il en fut le poète officiel (Hofdichter). En outre, si Haguenau est bien la ville alsacienne du même nom, ou bien Reinmar en est originaire, ou bien il s'y est produit à un moment de sa vie : là se trouvait alors la cour des Hohenstaufen.

La tradition manuscrite est très compliquée. On attribuait avec certitude trente poèmes à Reinmar. Douze autres sont venus s'ajouter à ce nombre. Ils semblent s'organiser en cycle, mais la question est encore controversée. Reinmar a surtout écrit des chansons — laudatives, de croisade, d'amour — et des Wechsel, chansons alternées où homme et femme parlent à tour de rôle sans se répondre. Le poète utilise la strophe classique du minnesang (un front composé de deux Stollen à rimes plates ou croisées, et une coda de trois à six vers).

Reinmar incarne le minnesang à l'état pur. Il spiritualise l'amour (Minne), le désincarne, en fait un concept abstrait et professe la négation du réel. Toute son œuvre est centrée sur une idée : il n'y a pas d'amour sans peine. Le ton de la poésie reinmarienne est donc élégiaque, et les poèmes optimistes y sont rarissimes. Triste, le poète l'est doublement, car il doit masquer sa douleur, faire bonne figure et chanter la joie (Vröide) à la cour. Poète de la mélancolie, Reinmar représente « le scolastique de l'amour malheureux » ; en effet, il oscille, mais de façon purement rhétorique, entre le désir et l'ascèse. Écrivant dans une langue splendide, dépouillée, pleine de retenue et comportant fort peu de métaphores, Reinmar codifie les règles du vasselage d'amour (Minnedienst) jusque dans le vocabulaire. Chez lui, Minne désigne essentiellement les relations entre homme et femme. Nous avons affaire à un théoricien qui ne conçoit pas l'amour hors des valeurs de la société, et qui accepte le service sans issue, car la noble dame est toujours mariée et vertueuse. Sur ce point, il s'oppose à celui qui fut peut-être son élève, Walther von der Vogelweide, pour qui tout service mérite récompense (Lohn). Amant malheureux par essence, Reinmar esthétise sa douleur et en fait une valeur élevant l'homme au-dessus de la société. La Minne est donc un moyen de se sublimer, c'est une éducatrice car elle apprend à l'amant mesure et désintéressement, générosité et maîtrise de soi. Trop froide, trop immatérielle, la Minne, telle que l'entend Reinmar, perd tout contact avec la réalité. La poésie reinmarienne marque donc à la fois l'apogée du minnesang et le premier grand tournant dans l'histoire de ce genre littéraire. Walther von der Vogelweide, considéré à juste titre comme le successeur de Reinmar, revient, lui, à une conception nettement moins éthérée de l'amour courtois.

— Claude LECOUTEUX

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Écrit par

  • : professeur de langues et littératures allemandes et germaniques à l'université de Caen

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    ...Quant à la littérature profane, elle prend un tour plus aimable, plus accessible aussi, car poètes et prosateurs abandonnent le latin pour l'allemand. On chante l'amour courtois, la Minne en s'inspirant des troubadours provençaux, tels Reimar de Haguenau, le « chef des rossignols », et surtout Gottfried...
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    Mais le minnesänger classique est sans conteste ce Reinmar que Gottfried, dans son Tristan, appelle le « rossignol de Haguenau » (sans doute s'agit-il du Haguenau alsacien). Dans une langue toute en demi-teintes, il développe inlassablement, avec de subtiles variations, le thème d'un service d'amour...