RELATION
Le concept de relation apparaît comme l'un des concepts fondamentaux du discours rationnel. Il semble lié à la pratique de l'analyse, qui constitue elle-même l'un des aspects essentiels de la démarche discursive. L'analyse décompose les unités données dans l'expérience en éléments aussi simples que possible, mais elle n'est réellement éclairante que si elle s'accompagne, comme d'une contrepartie, de l'opération par laquelle la pensée reconstitue le complexe à partir du simple. Or, pour rendre compte de l'unité d'une entité complexe, il faut décrire son mode de structuration ; et cela revient à faire apparaître les relations qui unissent les constituants. Il y a une solidarité étroite entre structure et relation.
Il n'est pas étonnant, dès lors, que les entreprises fondationnelles – qu'elles soient conçues directement comme reconstitution justifiante de la réalité ou seulement comme mise en évidence des principes qui commandent les discours portant sur la réalité – aient accordé au concept de relation une place fort importante, voire centrale. Mais, si des relations variées sont en fait utilisées dans des contextes divers – qui vont de la métaphysique aux sciences purement descriptives, en passant par les mathématiques –, on n'a affaire, à proprement parler, à une véritable théorie de la relation que là où le concept de relation se trouve thématisé en tant que tel, dans toute sa généralité. Or la difficulté qui se présente, lorsqu'on veut tenter d'élaborer une telle théorie, c'est que la notion de relation semble bien avoir un caractère irréductible. Les efforts qui ont été entrepris pour la clarifier, en tout cas, font apparaître qu'on ne peut en donner une définition explicite, c'est-à-dire en exprimer adéquatement le contenu au moyen d'autres concepts, plus primitifs. On ne peut, dès lors, l'expliquer qu'en montrant comment elle fonctionne dans des contextes appropriés. Il s'agit, bien entendu, de déterminer le contexte convenable et de préciser le mode de fonctionnement du concept de relation dans ce contexte. En fait, historiquement, se problème a été abordé dans deux perspectives : soit dans le cadre d'une doctrine des catégories, soit dans le cadre d'un traitement axiomatique.
La doctrine des catégories : Aristote et Kant
Une théorie des catégories fournit un lieu dans lequel peut s'inscrire le concept de relation et assigne à celui-ci une place déterminée dans ce lieu ; il le situe, si l'on peut dire, topologiquement. On retiendra ici deux conceptions des catégories, qui ont l'une et l'autre une signification exemplaire : celle d' Aristote et celle de Kant. Chez ces deux auteurs, les catégories sont rattachées à la doctrine du jugement ; elles représentent les divers modes selon lesquels peut fonctionner le jugement. Mais, alors que chez Aristote elles ont une portée à la fois logique et ontologique, chez Kant, conformément au point de vue criticiste qui est le sien, elles n'ont, en dehors de leur aspect proprement logique, qu'une portée épistémologique. (Les textes de base se trouvent, pour ce qui concerne Aristote, dans l'Organon, I : Catégories, et V : Topiques, et dans la Métaphysique, et pour ce qui concerne Kant, dans la Critique de la raison pure, I, 2e part., 1re div., Analytique transcendantale.)
Aristote présente les catégories comme les différentes espèces de prédicats que l'on peut attribuer à un sujet dans le jugement (le terme κατηγορ́ια vient du verbe κατηγορε̂ιν, « affirmer », ou, plus explicitement, « attribuer – positivement ou négativement – un prédicat à un sujet »). Mais, comme la synthèse judicative a une signification ontologique, les catégories doivent elles-mêmes être considérées comme des déterminations réelles de l'être.[...]
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Écrit par
- Jean LADRIÈRE : professeur émérite à l'université catholique de Louvain (Belgique)
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