RELATION
La méthode axiomatique
La méthode axiomatique permet d'aborder le problème de la nature de la relation par un tout autre biais. Elle consiste à donner une caractérisation implicite de la notion en énonçant certaines propositions dans lesquelles elle figure ; le contenu de la notion est alors déterminé par les possibilités déductives contenues dans ces propositions (c'est-à-dire qu'il est exprimé par ces propositions et toutes celles qui en dérivent). C'est dans le cadre de la logique mathématique que cette méthode a été appliquée à la notion de relation. Auguste De Morgan (1806-1871) est considéré comme le véritable fondateur de la théorie logique des relations. On en trouve cependant déjà quelques anticipations chez les logiciens grecs et chez les scolastiques. Les premiers développements d'une théorie des relations ont été élaborés par Gottfried Ploucquet (1716-1790) et surtout par Johann Heinrich Lambert (1728-1777). De Morgan introduit les opérations élémentaires sur les relations et en étudie les propriétés. Des contributions importantes ont été apportées, dans la seconde moitié du xixe siècle, à la théorie des relations par Ernst Schröder (1841-1902) et, indépendamment de lui, par Charles Sanders Peirce (1839-1887).
Les relations selon Bertrand Russell
C'est surtout dans l'œuvre de Bertrand Russell (1872-1970) que la théorie moderne des relations prend tout son essor. On peut discerner deux étapes dans l'élaboration de la doctrine russellienne des relations : celle des Principles of Mathematics (1903) et celle des Principia Mathematica (publiés par Russell, en collaboration avec Alfred North Whitehead, en 3 volumes, de 1910 à 1913). Dans les Principles, Russell adopte une théorie intensionnelle des relations. Alors qu'il adopte un traitement extensionnel des classes (consistant à traiter une classe comme l'ensemble des individus qui en font partie), il adopte le parti de traiter les relations comme des concepts et non comme des classes (de couples). Cette façon de faire, qu'il ne prétend pas le mieux fondée philosophiquement, lui paraît plus commode, parce qu'elle permet de rendre compte plus élégamment de la différence de statut entre les termes. Dans une relation à deux termes (c'est le cas envisagé par Russell), il faut distinguer l'antécédent et le conséquent (que Russell appelle respectivement referent et relatum). Une proposition telle que aRb (a est dans la relation R avec b) est différente de la proposition bRa. Cela est évident dans le cas des relations asymétriques (par exemple, dans le cas de la relation « plus grand que »). Mais, selon Russell, c'est aussi le cas même lorsque la proposition aRb est équivalente à la proposition bRa. Autrement dit, le sens de la relation – et donc l'ordre des termes qu'elle relie – fait partie intrinsèque de sa signification. Si on adopte une théorie extensionnelle, qui consiste à traiter une relation comme la classe des couples de termes dont elle se vérifie, on devra introduire la notion de couple ordonné (qu'il faut bien distinguer de la simple notion de couple) comme notion primitive. Or, l'idée d'ordre présuppose celle de relation (« l'assertion selon laquelle a est le référent et b le relaté implique déjà une proposition purement relationnelle dans laquelle a et b sont des termes, bien que la relation ainsi affirmée soit seulement la relation générale de référent à relaté »[Principles of Mathematics]).
Mais le choix du point de vue intensionnel impose une contre-partie : il faudra introduire un axiome spécial stipulant que tout couple d'individus est caractérisé par une relation (en ce sens qu'à tout couple correspond une relation qui se vérifie de ce couple et ne se vérifie d'aucun autre). Dans une version extensionnelle de la théorie, cet axiome ne serait[...]
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Écrit par
- Jean LADRIÈRE : professeur émérite à l'université catholique de Louvain (Belgique)
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