EST-OUEST RELATIONS
L'ère de la guerre fraîche (1973-1980)
La guerre du Kippour d'octobre 1973 révèle, quelques mois après la signature de l'accord de Washington sur la prévention des conflits et le contrôle commun des crises, toute la fragilité des nouvelles relations américano-soviétiques. Le conflit est, certes, l'occasion d'une concertation des deux puissances pour limiter ou stopper les hostilités, mais il crée un choc dans l'administration américaine.
La guerre du Kippour montre à quel point l'accord réalisé entre les deux responsables ne peut supprimer le poids des choses. Les années 1974-1975 sont le point tournant d'une évolution qui s'amplifiera par la suite : l'expulsion de Soljenitsyne par les autorités soviétiques, le 14 février 1974, et la révélation du Goulag ébranlent fortement les esprits dans tout le monde occidental, provoquent des drames de conscience parmi les intellectuels communistes, conduisent les partis communistes occidentaux à critiquer le régime soviétique et à prendre leurs distances avec ce dernier. Il va se développer alors, en l'espace de quelques mois, une image négative de l'Union soviétique qui prendra le relais, dans les opinions publiques et les milieux politiques, de l'image des années soixante d'une U.R.S.S. libéralisée et en voie d'occidentalisation. Ainsi, à l'occasion du débat relatif à l'autorisation d'accorder la clause de la nation la plus favorisée (principe établi par l'accord commercial de 1972), le Congrès américain vote, en janvier 1974, l'amendement Jackson liant l'octroi de la clause à une déclaration publique soviétique sur l'assouplissement de la politique d'émigration des juifs. L'U.R.S.S. est prête à assouplir discrètement sa législation sur ce point ; mais elle n'est pas disposée à être accusée sur la place publique et à paraître devoir accorder des concessions politiques en échange d'avantages économiques. Elle dénonce alors l'accord commercial de 1972.
Parallèlement, les discussions stratégiques à propos de l'accord S.A.L.T. II piétinent. L'annonce faite par James Schlesinger, responsable du Pentagone, le 17 août 1973, selon laquelle l'U.R.S.S. a testé avec succès des fusées dotées d'ogives à têtes multiples, et les déclarations du secrétaire d'État William Rogers, le 20 août 1973, faisant savoir que la maîtrise soviétique de la technique du mirvage allait rendre plus difficiles les négociations S.A.L.T., jouent un rôle de détonateur, dans la mesure où un grand nombre d'experts et de responsables américains considéraient que le monopole du mirvage permettait aux États-Unis de demeurer, encore un certain temps, la première puissance nucléaire. Le choc est rude, et la perception de la supériorité américaine va se dissoudre pour faire place à l'angoisse de la parité (discours du sénateur Jackson, 4 décembre 1973). On s'aperçoit alors que l'acceptation de la parité ne va pas de soi pour la puissance américaine. Du coup, il n'est plus question pour l'Amérique de prendre les chiffres de l'accord intérimaire de 1972 comme base de référence pour un futur traité S.A.L.T. Il faut faire accepter à l'U.R.S.S. le principe de l'égalité numérique et, par ailleurs, il faut entreprendre un effort supplémentaire d'armement stratégique. Le compromis de Vladivostok signé par Brejnev et par le président Ford le 23 novembre 1974 établit simplement l'accord des deux puissances sur des plafonds numériques égaux (2 400 vecteurs pour chacun, dont 1 500 engins dotés d'ogives multiples). Il laisse en suspens tous les problèmes posés par la compétition stratégique des deux puissances, à savoir le développement des nouveaux missiles terrestres soviétiques, la course à la précision, les nouvelles technologies américaines.[...]
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Écrit par
- Jacques HUNTZINGER : professeur à la faculté des sciences ju-ridiques de l'université de Paris-X
- Philippe MOREAU DEFARGES : conseiller des Affaires étrangères, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, chargé de mission à l'Institut français des relations internationales
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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