RELATIVITÉ Vue d'ensemble
La théorie de la relativité est souvent considérée comme l'exemple même des révolutions scientifiques qu'a connues le xxe siècle. On ne peut pourtant la comprendre que dans un cadre historique bien plus large, en remontant aux débuts mêmes de la science moderne. C'est en effet à Galilée, et non à Albert Einstein, que l'on doit sinon le terme (d'ailleurs problématique, nous le verrons), du moins l'idée de relativité. Dans un très beau passage du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (1632), Galilée écrit : « Si donc un peintre avait commencé, en quittant le port [de Venise] à dessiner avec une plume sur un papier et continué à le faire jusqu'à Alexandrie, il aurait pu tracer à la plume toute une histoire avec beaucoup de figures aux contours parfaits et hachurés en mille et mille directions, avec des villages, des édifices, des animaux et toutes sortes d'autres choses, et pourtant tout le mouvement véritable, réel et essentiel de la plume n'aurait été qu'une ligne très longue mais toute simple ; le peintre, lui, pour ce qui est de son opération propre, aurait tracé exactement les mêmes lignes que si le navire était resté immobile. » En d'autres termes, la description d'un phénomène est nécessairement relative au point de vue adopté (les physiciens parlent de « référentiel »), mais, et c'est là l'essentiel, il existe des points de vue équivalents : pour le peintre à son bord, le mouvement du bateau est « comme rien » (Galilée). Le principe de relativité affirme l'identité des lois de la physique dans tous les référentiels équivalents. Cet énoncé est loin d'être trivial : il ne proclame l'équivalence que de certains référentiels, ceux dont le mouvement relatif est uniforme, de vitesse constante. Des mouvements accélérés ne sont pas « comme rien » : nous avons tous l'expérience des sensations physiques dues à l'accélération ou au freinage d'un véhicule ; il existe donc des référentiels non équivalents.
Encore faut-il concrétiser le principe général de relativité en une théorie spécifique, qui indique comment sont reliées les grandeurs physiques mesurées dans deux référentiels équivalents – comment est vu le dessin dont parle Galilée quand il est contemplé sur le bateau même, ou du point de vue d'un observateur immobile par rapport à la Terre (un satellite géostationnaire, par exemple). Ainsi, les coordonnées spatiales d'un événement se transforment, mais la coordonnée temporelle reste inchangée. Les formules (dites, par hommage anachronique, « transformations de Galilée ») qui explicitent le passage d'un référentiel à un autre, paramétrées par la vitesse relative des deux référentiels, sont au demeurant, dans le cadre de la physique classique, si simples qu'elles restèrent longtemps implicites. C'est avec cette théorie classique de la relativité qu'entre en conflit, vers la fin du xixe siècle, l'électromagnétisme de James Clerk Maxwell, et en particulier l'invariance de la vitesse de la lumière qu'il implique. Plutôt que de renoncer au principe de relativité, Einstein montre en 1905 comment le sauvegarder en en modifiant l'expression, illustrant ainsi le fameux adage du prince Salina dans Le Guépard : « il faut que tout change pour que rien ne change... ». Des formules de transformation plus sophistiquées (dites de Lorentz, 1904) permettent en effet d'énoncer l'équivalence des référentiels d'une façon compatible avec la théorie de Maxwell. Lorsque la vitesse relative des deux référentiels est négligeable devant la vitesse de la lumière, les formules de Lorentz se ramènent à celles de Galilée. La théorie einsteinienne prédit, et l'expérience vérifie amplement, diverses distorsions spatio-temporelles entre deux points de vue (souvent et abusivement[...]
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Écrit par
- Jean-Marc LÉVY-LEBLOND : professeur émérite à l'université de Nice
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