RELIGION L'anthropologie religieuse
L'anthropologie religieuse se distingue de l'ethnologie, de l'histoire et de la sociologie des religions en ce sens qu'elle essaie de comprendre, par-delà le chaos des faits religieux, l'homme qui crée et manipule tout un symbolisme, celui du « surnaturel » ou du « sacré ». Naturellement, la première tâche de l'anthropologie religieuse est de définir ce qui distingue les symboles du sacré des autres espèces de symbolismes. Il n'y a pas d'autre issue possible, si l'on ne veut pas tomber dans les pièges de l'ethnocentrisme, que de partir chaque fois des définitions indigènes et de leurs classifications des choses en un système binaire : sacrées et profanes.
L'anthropologie religieuse est née dans la seconde moitié du xixe siècle ; malheureusement elle s'est posé au début une série de faux problèmes : ceux de l'origine, de l'évolution ou de l'essence de la religion ; de là, le discrédit où elle est tombée et dont elle ne se relève que maintenant, par un changement de perspectives. Aujourd'hui, elle apparaît soit comme un chapitre de l'anthropologie sociale (on localise les institutions religieuses dans des structures sociales et on cherche les fonctions latentes que remplissent ces institutions dans l'ensemble de la société), soit – ce qui est le point de vue soutenu ici – comme une science indépendante. Dans ce cas, la religion est étudiée dans deux dimensions : synchronique, comme un ensemble ou système cohérent de pensées, d'affects et de gestes ; et diachronique, comme un ensemble qui se modifie et qui change. Dans le premier cas, l'anthropologue propose des modèles ; dans l'autre il cherche, sinon des lois, du moins des processus généraux, comme ceux de rééquilibration du religieux par rapport au reste de la vie sociale – chaque fois que l'écart est trop grand – ou comme ceux du transfert religieux d'un domaine à un autre entièrement différent.
Ethnologie religieuse et anthropologie religieuse
Il faut faire une distinction entre ethnologie religieuse et anthropologie religieuse. L'ethnologie religieuse s'intéresse surtout aux diversités des croyances ou des pratiques religieuses des ethnies les unes par rapport aux autres : elle commence donc par l'analyse du concret, le discours sur les dieux et les rites pour entrer en communication avec eux ; lorsque, dans un second moment, elle devient comparative, elle suit alors une marche inductive ; elle s'élève peu à peu du particulier au général, mais ce général reste encore localisé à une aire culturelle, à un type de religion, animiste par exemple, ou polythéiste.
Comme son nom l'indique, l'anthropologie religieuse s'intéresse plus à l'homme qu'à l'ethnie ; plus exactement, les données de l'ethnologie ne lui servent qu'à mieux cerner, à travers les cultures qui sont son œuvre, les lois générales de l'homo religiosus. Par conséquent, l'ethnologie religieuse donnera une base à l'anthropologie qui, d'autre part, ne saurait se passer de l'apport des sciences biologiques, psychologiques et sociologiques. Cette union des plus diverses disciplines doit être bien mise en lumière, car malheureusement on a tendance à faire de l'anthropologie religieuse un chapitre de l'anthropologie sociale – qui n'est qu'un autre nom de la sociologie. Or, comme le remarque Spiro, l'anthropologie sociale n'étudie pas la religion en tant que telle, mais le rôle – ou la fonction – que la religion joue dans la société : contrôle social, intégration de l'individu à la collectivité, rébellion rituelle, thérapie, etc. Et certes, nous ne nions pas que la religion remplisse un certain nombre de fonctions utiles dans la société ; mais il y a lieu, également, d'étudier l'homme[...]
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Écrit par
- Roger BASTIDE : professeur honoraire à l'université de Paris-I
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