RELIGION L'anthropologie religieuse
Les nouveaux problèmes de l'anthropologie religieuse
L'ancienne anthropologie religieuse se préoccupait avant tout de l'origine et de la nature de la religion, c'est-à-dire de problèmes insolubles. Il est néanmoins nécessaire, au titre d'un inventaire des problèmes, de rappeler les grandes théories qui font sortir la religion de la vision des rêves ou de l'angoisse devant une nature que l'on ne peut maîtriser. Les critiques que Durkheim a faites de l'animisme ou du naturalisme restent toujours valables, même si la thèse qu'il a voulu leur substituer, et qui fait de la religion l'expression de la transcendance de la conscience collective par rapport aux consciences individuelles, n'est pas plus solide.
Situation du fait religieux dans les faits sociaux
L'anthropologie sociale se préoccupe actuellement, comme le souligne par exemple Meyer Fortes, de situer les faits religieux dans le contexte de la vie réelle, c'est-à-dire soit de l'histoire des individus, soit de l'ensemble des relations sociales. Et d'abord de l'histoire des individus : dans quelle mesure la religion est-elle une institution fondamentale qui forme la personne au cours de ses premières années ? Dans quelle mesure est-elle, au contraire, une activité de compensation destinée à échapper à des tensions internes ? On peut citer ici Kardiner qui distingue institutions primaires et institutions secondaires et fait de la religion une institution secondaire, non pas formatrice de la personne, mais reflet de ses problèmes. En second lieu, l'anthropologie sociale se préoccupe de situer le fait religieux dans l'ensemble des relations sociales : le religieux appartient-il aux superstructures ou au structurel ? Faut-il le considérer comme une idéologie qui flotte en quelque sorte au-dessus des réalités objectives et qui en donne une image déformée ? N'est-il qu'un des langages par lesquels s'expriment, sous une forme symbolique, les faits essentiels qui sont de nature économique ou politique ? Ou bien le religieux fait-il partie, au même titre que l'économique ou le politique, de la structure ? Alors, les rapports entre ces divers domaines ne sont pas des rapports verticaux entre différents niveaux d'une même réalité sociale, mais des rapports horizontaux entre des variables, ou entre des institutions qui agissent et réagissent les unes sur les autres sur le même plan de réalité. L'anthropologie culturelle nord-américaine nous a habitués à considérer les cultures comme des ensembles où tout se tient et dont chaque élément ne s'explique et se comprend qu'à partir du tout qui les embrasse. De son côté Marcel Mauss, en parlant de phénomène social total, nous a fait saisir sur le vif qu'un même phénomène social – par exemple le don ou encore le mariage, le conflit – présente en même temps des aspects religieux, économiques, politiques, sociologiques, esthétiques et psychiques que l'on peut sans doute aborder l'un après l'autre, mais qui constituent pourtant une unique réalité multidimensionnelle.
De plus en plus l'anthropologie sociale s'intéresse aux problèmes des liaisons et des connexions, terrain beaucoup plus solide que celui des genèses ou des essences, car il donne prise à l'observation empirique entre le politique et le religieux par exemple, entre les cultes agraires et l'économie agricole ou entre les systèmes des croyances et les solidarités claniques et lignagères. Dans le monde actuel en rapide transformation, il est également possible d'étudier les métamorphoses que font subir aux valeurs religieuses des phénomènes comme l'urbanisation, l'industrialisation, l'exode rural, les grandes migrations internationales, le développement de l'instruction, l'apparition des mass media. Il est évident qu'avec les [...]
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Écrit par
- Roger BASTIDE : professeur honoraire à l'université de Paris-I
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