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RELIGION L'histoire des religions

La religion comme fait de culture

Le souci de réduire toute recherche à un effort du type de la connaissance historique se justifie par la nature même de l'objet d'étude, à savoir la religion comme fait culturel. Ce qu'on appelle « culture » par opposition à « nature » est précisément constitué par l'ensemble des productions humaines, parmi lesquelles il faut compter les religions, entendues selon l'acception scientifique du terme et non du point de vue de la foi. Que l'homme soit lui-même produit de la nature, et non seulement producteur de culture est une autre question ; et la recherche de l'homme « naturel » regarde les sciences de la nature, non les sciences historiques. L'équivoque commence quand on tente d'appliquer à l'« homme de la culture » la problématique des premières, en voulant atteindre l'homme absolu, à la fois « naturel » et « culturel ». Quiconque succombe à cette tentation risque d'adopter lui-même une attitude religieuse au lieu de se donner effectivement les religions comme objet d'étude.

Pour sortir de l'équivoque, il est nécessaire de se représenter clairement l'alternative suivante : ou bien le discours historique sur les religions, ou bien le discours religieux sur l'histoire. Il ne s'agit que de choisir, mais en remarquant bien qu'un tel choix, au lieu de se présenter à un moment ou à un autre et de manière individuelle, s'est posé une fois pour toutes à l'ensemble d'une culture, celle de l'Occident, où l'on ne trouve pas une « religion de l'histoire » qui œuvrerait sur le plan scientifique à côté d'une « histoire des religions », pas plus qu'il n'y existe un « art de l'histoire » qui pourrait s'opposer à l'« histoire de l'art ». Le choix en faveur de la connaissance historique est caractéristique de la civilisation occidentale, à tel point qu'on ne saurait en trouver l'équivalent dans aucune autre. C'est ce choix, en définitive, qui permet de comprendre qu'on en soit venu à opposer à un concept de nature un concept de culture, dans la perspective duquel le culturel désigne toute production humaine à partir d'un état naturel extra-humain, qu'il soit supra-humain ou pré-humain.

Le désintérêt méthodique vis-à-vis de ce qui est irréductible à une connaissance de type historique, avant même de pouvoir être formulé théoriquement, est inscrit dans les faits mêmes qui marquent le développement de la recherche historico-religieuse. Dans l'histoire de ces travaux, on constate que les théories métahistoriques (l'évolution religieuse, la religion transcendantale, la nature humaine, etc.) se chevauchent et se juxtaposent sans qu'il y ait un véritable progrès, exactement comme cela se passe en philosophie, tandis que la production pratique progresse constamment en fournissant de nouveaux moyens d'enquête, en posant des problèmes inédits, en ouvrant d'autres perspectives. On peut bien dire que toute recherche, quels qu'en soient les présupposés théoriques, constitue un jalon dans le progrès effectif des études d'histoire des religions.

Outre le progrès qui s'est accompli à l'intérieur de ces travaux eux-mêmes, il faut prendre en considération l'apport qu'ils ont fourni à celui des sciences humaines en général : ils ont contribué puissamment à la formation d'un nouvel humanisme fondé sur le relativisme culturel contemporain, qui partout est en train de se substituer à la vieille conception européocentrique de l'homme comme absolu. C'est, en effet, aux études d'histoire des religions qu'est due en partie l'apparition aujourd'hui d'un nouveau sens de l'histoire, qu'il s'agisse de l'histoire des cultures ou de la mise au jour des racines inconscientes des manifestations[...]

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