RELIGION L'histoire des religions
Les grandes religions universelles
L'impossibilité de dissocier les religions des unités culturelles sert de fondement à une science historico-religieuse qui tend à identifier les cultures singulières à travers leurs expressions religieuses. Mais à cette indissociabilité semblent faire exception les grandes religions universelles telles que le bouddhisme, le christianisme, l' islam. Précisément en tant qu'elles sont universelles, elles prétendent transcender les cultures particulières et se présentent comme ayant valeur pour tout homme, quelle que soit l'époque, ou la zone culturelle, à laquelle il appartient. À vrai dire, l'histoire des religions elle-même se trouve dans une situation d'exception par rapport aux formations religieuses de ce type. On peut affirmer, en un certain sens, qu'elle ne s'occupe ni du bouddhisme, ni du christianisme, ni de l'islam, ou, plutôt, qu'aucune de ces religions n'a été ni n'est étudiée selon la méthode historico-religieuse. Non qu'il fût impossible de le faire, au moins en théorie, mais il reste qu'en fait cette discipline n'a pas orienté son attention dans une telle direction, ou du moins elle ne l'a pas fait d'une manière qui eût été déterminante pour le progrès de la recherche, excepté pour celle qui s'intéresse aux récentes formations syncrétistes, comme on le verra plus loin. Un tel désintérêt s'explique probablement autant par le caractère exceptionnel de ces religions (même si elles comptent un très grand nombre d'adeptes, elles se ramènent, au fond, à trois seulement) que par leurs contenus doctrinaux, qui semblent ressortir au domaine de la philosophie et auxquels, précisément à cause de leur valeur philosophique, on a coutume d'accorder une importance qui est excessive par rapport à la réalité religieuse qu'ils représentent.
La recherche historico-religieuse, de toute façon, ne peut manquer de situer les grandes religions universelles elles-mêmes dans les limites d'unités culturelles déterminables. Cela s'impose, d'abord, dès que l'on prête attention aux origines de ces formations : le bouddhisme doit être regardé comme déterminant pour la compréhension de la culture indienne qui lui a donné naissance, comme le christianisme pour celle de la culture romaine et hellénistique du monde méditerranéen, comme l'islam pour la civilisation arabe. L'expansion de ces grandes religions suggère la même conclusion : bien que théoriquement universelles, elles ont toutes les trois rencontré une limite à leur diffusion, limite évidemment imposée par des facteurs culturels qui doivent pouvoir constituer un des objets de la recherche historique.
À propos de ce phénomène d'expansion, il est indéniable que le christianisme s'est diffusé grâce à un processus d' acculturation qui commença avec la romanisation (c'est-à-dire la réduction à une unité culturelle spécifique) des peuples européens et qui se poursuivit avec la colonisation européenne de cette partie du monde, laquelle en sortit christianisée. On peut en dire autant de l'islam : il est apparu là où est parvenue la conquête arabe et il a été accueilli là où a été accueillie la culture des Arabes (autre cas de réduction à une unité culturelle spécifique). Quant au bouddhisme une fois accomplie sa propagation en Chine, où il renaît comme un produit de la culture chinoise (tandis qu'à la même époque il disparaît de l'Inde, son berceau culturel), il se présente comme affronté à deux formes d'acculturation : l'une qui part de l'Inde et « indianise » les cultures inférieures environnantes en les faisant devenir « bouddhistes », l'autre qui part de Chine et porte la culture chinoise, y compris le bouddhisme, jusque dans le lointain Japon.
À l'heure[...]
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Écrit par
- Dario SABBATUCCI : professeur à l'université de Rome
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