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RELIGION La religion populaire

Le concept de religion populaire prend sa signification dans des sociétés où fonctionnent des autorités religieuses assurant une forte régulation de l'orthodoxie et de l'orthopraxie ; la religion populaire est alors une religiosité vécue – au niveau des représentations, affects et coutumes – sur le mode d'une différence par rapport à la religion officielle. Les problèmes afférents à ce concept se posent aujourd'hui en termes très nouveaux par rapport à ceux qui étaient valables à l'époque où s'est développée la sociologie classique.

L'époque de la sociologie classique

C'est d'abord sous l'angle des superstitions qu'ont été collectées les observations sur la religion populaire ; le terme même indique assez que le jugement de valeur porté par l'autorité religieuse dominante condamnait cette démarche.

Puis se fit le passage à la notion de folklore religieux. Ainsi, Arnold van Gennep (Manuel de folklore) note, à propos des « faits folkloriques » : « En Angleterre, d'où le terme nous vient, on a regardé ces faits comme des « antiquités populaires », des erreurs et des opinions ridicules, caractéristiques du « commun » et du « vulgaire ». Auparavant, en France, on les avait englobés sous le nom de « superstitions ». À ces évaluations s'en ajouta ensuite une autre : on regarda les faits folkloriques comme des « témoins d'une époque archaïque » ou « ancienne », autrement dit comme des survivances. »

Sur le plan de la méthode, les recherches folkloriques bien conduites constituent une ethnologie « métropolitaine », dégagée des jugements de valeur dogmatiques. C'est dans ce sens que L'Année sociologique a toujours considéré comme relevant de son domaine les travaux menés sur la religion populaire par des folkloristes, des ethnologues ou des sociologues. De cette façon, contrairement à ce qu'on a souvent écrit, la vie religieuse des populations des pays industrialisés a tenu une place importante dans les recherches classiques en sociologie religieuse.

Les phénomènes correspondants ont souvent été regardés comme résultant de traditions, par voie de résistance aux formes plus modernes de la vie religieuse. Théologiquement, cette perspective renvoie en particulier à la notion de religion naturelle ; sociologiquement, elle renvoie soit à la religiosité « cosmique », soit aux phénomènes religieux fondés sur des modes de sociabilité tels que la famille patriarcale, le village isolé, l'emboîtement des particularismes dans le réseau des allégeances féodales.

Il s'agit d'un domaine très différencié, allant de pratiques violemment combattues par les autorités religieuses, telles que la sorcellerie, jusqu'à des coutumes ou croyances largement intégrées dans les systèmes religieux officiels, tel le culte des saints guérisseurs, qui tint tant de place parmi les thérapeutiques populaires en pays de tradition catholique. À mesure que l'orthodoxie et l'orthopraxie élaguent de telles traditions, celles-ci changent de caractère par rapport au système officiel, tout en continuant souvent avec leur forme et leur contenu antérieur. On doit donc se demander dans quelle mesure ces traditions n'avaient pas déjà, au sein même de la religion officielle, une certaine autonomie et une signification différente de l'interprétation dogmatique qu'en donnaient les théologiens.

Il y a là un problème théorique qui fut fortement souligné par Durkheim, dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse : « Une religion ne tient pas nécessairement dans une seule et même idée, ne se ramène pas à un principe unique qui, tout en se diversifiant suivant les circonstances auxquelles il s'applique, serait, dans son fond, partout identique à lui-même : c'est un tout formé de parties distinctes et relativement[...]

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