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RELIGION La religion populaire

La situation actuelle

L'évolution qui se produit actuellement dans les pays industrialisés modifie beaucoup les données du problème. En effet, le « désenchantement », la sécularisation diminuent la part des formes religieuses dans les manifestations de la conscience collective. De plus, le jaillissement du folklore traditionnel se tarit dans une certaine mesure. Mais ce processus induit un mouvement dialectique : l'emprise des régulations confessionnelles étant affaiblie, un certain spontanéisme se fait jour à l'intérieur même des religions constituées, en même temps que la protestation sociale prend de plus en plus des formes religieuses. Parallèlement, le système des cérémonies de passage continue à fonctionner pour son propre compte comme intersection de la religiosité populaire et des organisations ecclésiastiques, tandis que le no man's land produit par le recul des régulations confessionnelles, dans une zone où l'emprise sociale de la science reste limitée, est occupé en partie par des représentations et pratiques sociales parareligieuses, comme en témoigne la marée montante de la consommation d'astrologie.

Dès lors, il ne s'agit plus de survivances plus ou moins fossilisées, mais de phénomènes dont la vitalité prend son origine en certains aspects de la vie moderne dans les pays occidentaux.

Mentionnons ici quelques exemples pris dans le cadre français, mais qu'on retrouverait largement ailleurs.

La liturgie catholique est en plein dégel : mobilité, diversification, reprise de modes d'expression développés initialement chez les adolescents, atténuation des aspects hiératiques. Même si cette évolution garde souvent un caractère plus clérical que véritablement populaire, elle récupère une certaine religiosité de formes non ecclésiastiques de la sociabilité.

Quant au foisonnement des protestations religieuses contre l'ordre établi – y compris l'ordre confessionnel –, il est certainement moins développé en France que dans d'autres pays et garde le caractère d'un phénomène limité à des cercles estudiantins ou importé de l'étranger. Toutefois, sa présence constitue certainement un symptôme significatif.

Le système des cérémonies de passage est la religion de la majorité des Français. Un quart de « messalisants », un tiers de « pascalisants », neuf dixièmes de baptisés, tels sont les ordres de grandeur. Ces données placent plus de la moitié de la population dans la catégorie des « festifs », celle des personnes dont la pratique cultuelle se concentre autour des grandes cérémonies de passages : baptême, communion solennelle, mariage, enterrement. C'est également ce système qui constitue le véritable lien cultuel entre les catholiques, puisqu'il est la seule pratique commune. Il est évident que cette pratique n'implique pas l'adhésion à l'ensemble du dogme prêché par l'Église, ni même aux croyances obligatoires qui se rattachent au baptême, à l'eucharistie, au sacrement de mariage et à la liturgie des obsèques. Elle n'entraîne pas non plus de pratiques sociales spécifiques. Ainsi, le taux des divorces parmi les couples mariés à l'Église n'est pas inférieur à celui qu'on observe parmi les couples mariés seulement à la mairie. En revanche, le système festif s'enracine à la fois dans les rythmes biologiques et dans des changements de statut liés à l'âge (qui sont aussi ceux qu'enregistre la société par l'état civil). La sève de la religiosité populaire reste ici bien vivante et se traduit par la création permanente de rites modernes : photographies, automobiles décorées, télégrammes, consommation de champagne, et ainsi de suite.

De même, les fêtes de fin d'année prennent une place croissante dans la périodisation de la vie sociale ; elles induisent toute une liturgie[...]

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