RELIGION Religion et psychanalyse
Après Freud
En opposition avec son maître, C. G. Jung attribue une valeur positive à toutes les religions, dans lesquelles il reconnaît les figures rencontrées dans les rêves et les phantasmes de ses patients. Il en conclut que l'âme est habitée par des archétypes de nature religieuse et qu'elle est finalisée par eux. De cette manière, il s'est trop radicalement séparé du mouvement psychanalytique pour que sa « psychologie analytique » ait à être étudiée ici.
Dans les études sur la religion qui s'inspirent directement de la psychanalyse freudienne, repérons quelques prolongements et compléments importants. Les symboles religieux et mythiques furent l'objet privilégié d'une psychanalyse appliquée qui prend son modèle dans l'interprétation des images oniriques. Cette psychanalyse ne concerne le phénomène religieux que dans la mesure où elle ramène l'intention symbolisante aux représentations archaïques que le symbolisme religieux viendrait soit refouler et recouvrir, soit assumer dans un processus de métaphorisation et de sublimation.
Nombre de psychanalystes, surtout parmi les premiers disciples de Freud (E. Jones, T. Reik, J. C. Flugel), s'attachent à interpréter les doctrines et les rites religieux comme l'expression de l'ambivalence affective émanant du complexe d'Œdipe. Reik, en particulier, voit dans le souci des formulations dogmatiques rigoureuses un symptôme obsessionnel qui traduit, déplacé au niveau de la pensée, l'ambivalence du conflit œdipien. Aucun de ces auteurs n'essaye plus d'expliquer de manière approfondie comment le conflit œdipien donne naissance à l'affirmation de Dieu. Ils se limitent à l'analyse des analogies apparentes entre la névrose obsessionnelle et la religion et veulent rendre compte par là des composantes de l'idée de Dieu et de la christologie. Certains, tels Jones et Flugel, estiment même que l'explication psychanalytique de la genèse concrète de la religion ne contredit pas une adhésion « philosophique » à la foi en Dieu.
L. Szondi apporte à la psychanalyse de la religion une des contributions les plus originales. Il entend démontrer que le sens du sacré s'enracine dans la pulsion agressive (paroxysmale) qui, sous l'influence de l'« esprit », peut se retourner et se sublimer dans l'attitude religieuse. Celle-ci instaure dans la culture la loi divine qui impose le respect de la vie, la bienveillance, la piété. Selon Szondi, le « complexe de Caïn » (jalousie fraternelle homicidaire) est plus important dans la formation de la religion que le complexe d'Œdipe. Le second facteur constitutif de la religion réside dans la « fonction de croire ». Cette fonction réalise la « participation à l'Esprit » qui opère dans le retournement pulsionnel. Elle émane de l'expérience archaïque de l'union duelle (la participation primordiale) qu'en toute recherche de bonheur l'homme tend à restaurer. La croyance religieuse réalise cette union sur un mode supérieur, sauvant ainsi la culture et l'individu des deux déviations pathologiques qui les menacent : celle du tout être et celle du tout avoir. La psychologie szondienne affirme cependant que la réalité spirituelle vient à l'homme psychique par la culture et par la religion.
Reprenant des thèses essentielles de Freud sur l'expérience primordiale de bonheur dans l'union et sur la « pulsion de mort », N. Brown critique son interprétation du principe de réalité et entend prouver que seule la mystique religieuse réalise pleinement la constitution psychique de l'homme. De son côté, P. Ricœur utilise d'abord des données psychanalytiques, pour une interprétation de la symbolique du mal. Sa contribution majeure consiste cependant dans une confrontation très poussée des herméneutiques freudienne[...]
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Écrit par
- Antoine VERGOTE : professeur à l'université de Louvain (Katholieke Universiteit Leuven et université catholique de Louvain-la-Neuve)
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Média
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