REMBRANDT ET SON ÉCOLE (exposition)
Depuis plusieurs années, le musée des Beaux-Arts de Dijon a développé une collaboration exemplaire avec les pays de l'Europe de l'Est, faisant ainsi connaître en France des artistes ou des mouvements oubliés ou négligés, mais aussi des fonds restés longtemps ignorés, jusqu'à la disparition du rideau de fer qui permit à de nombreux musées, de part et d'autre, de reprendre des contacts pratiquement interrompus depuis la guerre. Tout en se situant dans cette perspective, l'expositionRembrandt et son école. Collections du musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, présentée du 24 novembre 2003 au 8 mars 2004, abordait surtout non seulement le maître, mais aussi son école, dont l'Ermitage possède une collection parmi les plus représentatives et les plus complètes en dehors des Pays-Bas : elle introduisait ainsi le visiteur au cœur de la recherche actuelle sur l'artiste.
Lors de son installation à Amsterdam, en 1635, Rembrandt ouvrit en effet un atelier où se formèrent, travaillèrent et même vécurent en commun de nombreux élèves, développant, dans les diverses techniques qu'il pratiquait – la peinture et le dessin, mais aussi la gravure –, des sujets et un style très proches de ceux du maître. Ce dernier aimait à les faire réfléchir sur des thèmes analogues ou identiques à ceux qu'il traitait lui-même, dans une émulation permanente : il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'on lui ait attribué, au fil du temps, des œuvres si proches des siennes. Le xxe siècle allait voir s'épurer progressivement le catalogue du maître, et ressusciter, dans un mouvement parallèle, ceux qui parfois n'étaient plus guère que des noms. Cela n'alla pas sans controverses, et le Rembrandt Research Project, entreprise collective créée dès 1968 et basée à Amsterdam, s'est proposé d'y mettre un terme en établissant un catalogue définitif qui est, aujourd'hui encore, loin d'être achevé.
Tel pouvait être l'un des axes de lecture de l'exposition de Dijon, l'autre étant la collection de l'Ermitage elle-même et sa constitution progressive, depuis l'achat, sur l'ordre du tsar Pierre le Grand, en 1716, des Adieux de David et Jonathan de Rembrandt (non présenté à Dijon), jusqu'à l'entrée, après la révolution de 1917, de nombreux tableaux issus de collections privées russes, en passant par les achats massifs de Catherine II en France, dont, en 1772, celui de la collection Crozat, qui comprenait entre autres la Danaé et la Sainte Famille (également absentes de Dijon). Le goût pour Rembrandt et son école fut aussi vif chez les souverains que chez les particuliers et dans une intelligentsia prompte à s'enthousiasmer pour des œuvres qui devinrent vite constitutives de la culture commune, ainsi que le montrent plusieurs essais de l'excellent catalogue dirigé par Emmanuel Starcky et Irina Sokolova (musée des Beaux-Arts de Dijon-Réunion des musées nationaux, Dijon-Paris, 2003). De tout cela, l'exposition rendait admirablement compte, les tableaux venus de Russie ayant été rejoints par des prêts, notamment de dessins et de gravures, provenant de musées français et européens, qui enrichissaient la première salle, spectaculaire, consacrée à Rembrandt lui-même et en faisaient le sommet du parcours. S'y trouvaient en effet présentés la Saskia en Flore de 1634 et surtout Le Sacrifice d'Abraham de 1635, ce dernier juxtaposé, exceptionnellement, à une seconde version exécutée par le peintre en collaboration avec un de ses disciples, en 1635-1636, et conservée à l'Alte Pinakothek de Munich, dont les changements par rapport à la première version relèvent certainement de l'invention de Rembrandt, mais qui fut exécutée essentiellement par un de ses élèves (Govaert Flinck, Ferdinand Bol ?). S'ajoutait au « dossier », comprenant[...]
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Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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